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300 enfants musulmans encadrés par des chrétiens dans un prieuré d’Alep
A Alep, dans le quartier d’Hamidié, il n’y a plus de chrétiens, tous déplacés ou émigrés à cause de la guerre civile. En 2017, des fidèles de la cathédrale Saint Elie décident pourtant d’y rénover un prieuré bâti en 1908. Après des années de violents combats entre le régime et les groupes rebelles, l’édifice n’a plus de toit et les murs sont en ruines. Mais, plutôt que de l’abandonner, un groupe de paroissiens se mobilise afin de transformer l’ex-cloître en centre de loisirs pour les jeunes. Pas question pour l’équipe d’abandonner ce lieu de vie.
Chaque jour 300 enfants, de 6 à 13 ans, filles et garçons, tous musulmans, viennent oublier les violences de la guerre et les deuils. « La présence chrétienne peut les aider à repartir » pense Mgr Tobji, archevêque maronite d’Alep et poumon du projet. Pour lui, accueillir des enfants musulmans dans ce prieuré est une forme d’évangélisation, à l’opposé des conversions des siècles passés. « Alep n’est pas une nouvelle terre de mission, à l’image de l’Afrique de naguère. C’est notre manière d’enseigner à des jeunes des valeurs humaines comme la tolérance, l’amour de la vie, le respect des autres, qui sont des valeurs chrétiennes, sans leur donner des cours de catéchèse. » Depuis l’ouverture du centre, les musulmans sont étonnés d’être reçu avec autant de bienveillance, et l’initiative casse bien des préjugés et des peurs.
Ce qui surprend davantage, c’est de mesurer l’intérêt des parents, notamment des mères de famille, qui accompagnent leurs enfants dans les sorties communes. Le nombre de jeunes inscrits sur la liste d’attente s’allonge chaque semaine. Les places sont limitées et le centre ne peut pas satisfaire toutes les demandes.
Dans cet Alep, si radieuse avant la guerre civile, les conditions de vie actuelles sont encore plus dures que durant les années de conflits. La ville n’est plus approvisionnée à cause des sanctions occidentales. « Chaque matin, confie une enseignante, des gens fouillent les poubelles pour trouver de la nourriture. L’hiver se vit sans chauffage, ni électricité. » Aujourd’hui, si les armes se sont tues, les familles survivent avec les moyens du bord. Alors pour ces enfants, ce centre est une bénédiction, un espace d’espoir, qui leur permet de croire de nouveau en un avenir possible.
La dizaine de bénévoles du centre n’a pas voulu recouvrir le prieuré d’un nouveau toit, le laissant ouvert à la lumière et tourné vers l’extérieur, où les enfants donnent libre cours à leurs jeux. Tout autour, de la cour, les maçons ont consolidé les murs, et créé de nouvelles salles.
Les activités, regroupées par classe d’âge sont entièrement gratuites. Les professeurs reçoivent une indemnité mensuelle de 17 euros. Les jeunes viennent au centre pour se remettre à niveau, la guerre ayant provoqué une crise éducative, qui a fait régresser le pays. Les enfants peuvent également assister à des projections de films, à des conférences, ou à des concerts. Une salle de théâtre d’une cinquantaine de places a également été ouverte. Si le soutien scolaire reste l’objectif premier, la culture est un complément indispensable.
Le séisme du 6 février dernier (près de 5000 morts) a entrainé la fermeture du centre. Une interruption momentanée ? A Hamidié, on en est persuadé. C’est avec ces jeunes que la Syrie de demain se reconstruira.
Luc Balbont