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En Palestine, le tombeau de Lazare au secours de la ville d’Al-Eizariya
Anonyme et sans attrait, Al-Eizariya, est située à trois kilomètres de Jérusalem. C’est en quelque sorte un faubourg de la ville trois fois saintes. Une agglomération défigurée par la présence du mur de séparation, érigé par l’Etat israélien en 2003 (photo ci-contre), et écrasée par la proximité de l’imposante colonie juive de Maaleh Hadoumim.
C’est pourtant là, dans cette ville, que Jésus ressuscita Lazare, le frère de Marthe et de Marie. Al-Eizariya s’appelait alors Béthanie. L’évènement est raconté par Jean dans son Evangile (Jn, chapitre 11)
Les 25.000 habitants (1), tous Palestiniens, qui vivent à Al-Eizariya seraient aujourd’hui totalement oubliés, si le tombeau de Lazare n’attirait pas chaque année un flux de pèlerins qui viennent s’y recueillir. 400.000 par an, selon la municipalité. Moins selon certains observateurs qui regrettent que le lieu ne soit pas plus fréquenté.
Mais au-delà de cette bataille de statistiques, ce qui chagrine le plus l’administration palestinienne d’Al-Eizariya, c’est de constater que les touristes visitent le tombeau de Lazare au pas de course, pour repartir aussitôt vers d’autres destinations. Remontant dans leurs bus, sans prendre le temps de s’informer sur les conditions de vie supportées par les habitants, considérés par l’Etat juif comme des citoyens de seconde zone. Contrôles permanents de l’armée israélienne, vexations, humiliations, refoulement aux points de passage, chômage, menaces et incertitudes du lendemain sont le quotidien de ces Palestiniens.
Pour y remédier, la municipalité projette depuis peu de construire une maison d’hôte pour y accueillir pèlerins et touristes étrangers, afin qu’ils repartent en sachant ce qui se passe réellement dans cette ville administrée intégralement par Israël (2).
Membre de « Chrétiens de la Méditerranée », Marylin Pacouret se rend, chaque année depuis 2006, à Al-Eizariya, pour y retrouver ses amis. La ville de Nanterre (Hauts-de-Seine), où elle habite et travaille, suit d’ailleurs de très près ce projet de maison d’hôtes dans la petite cité palestinienne, après avoir financé tout dernièrement, l’achat d’une ambulance. Pour la Française, « la concrétisation de cette maison d’hôtes permettrait non seulement de dynamiser l’économie de la ville, en y fixant des habitants tentés par l’exil, mais aussi de contrecarrer la stratégie d’Israël, qui vise à rattacher la grande colonie juive de Maleh Hadumim à Jérusalem ; étouffant ainsi les localités palestiniennes alentours, dont le petit village bédouin de Djabal al Baba. »
Cette construction sur laquelle planche l’équipe municipale d’Al-Eizariya est aussi le symbole d’une résistance pacifique, sans violence, qui effraie bien plus les Israéliens que les commandos islamistes. Comment répliquer par la brutalité contre ces « dangereux terroristes », dont l’objectif est d’accueillir des croyants venus prier sur le tombeau d’un saint ? Rester sur place pour construire et développer : une arme redoutable qui fait tellement peur aux puissants.
Luc Balbont
(1) Chiffre de 2016. Entre 17000 et 18000, source Wikipédia
(2) Excepté un morceau de territoire de 12%, placé sous la responsabilité administrative de l’Autorité palestinienne d’al Eizariya. Depuis les accords d’Oslo de 1993, les territoires palestiniens sont scindés en trois zones.: Zone A - sous autorité palestinienne. _ Zone B - sous le contrôle militaire d’Israël, mais de l’Autorité palestinienne pour les affaires civiles. - Zone C - Sous administration israélienne (plus de 60% de la Cisjordanie).
PHOTOS
1/ Le check-point israélien à Al-Eizariya, avec le mur de séparation
2/ l'Eglise de Lazare
3: La mairie de al-Eizariya