- Non classé
La Paix de Notre-Dame de la Mer
Ambiance lourde à Beyrouth en cette fin d’été. Près du siège du quotidien Arabe Al Hayat, des images diffusent en boucles la mort du journaliste américain Steven Sotloff, décapité par les hommes de l'Etat islamique en Syrie. A Hamra, le quartier des intellectuels libanais, à la terrasse du café Costa, mon ami Samy, un Syrien d’Idlib, occupée depuis peu par les jihadistes, me raconte que chez lui, un boucher illettré est devenu chef de la ville. Et qu'« au nom de l’islam il fait régner la terreur. Un de mes oncles a été fouetté en place publique et plusieurs de mes amis sont en prison. »
Dans les quartiers sud de Beyrouth, Hassan Nasrallah, le chef du hezbollah (le parti islamiste chiite libanais pro iranien) se lance dans un discours fleuve. Ils appellent tous les États arabes à résister à Israël, et à soutenir les Palestiniens de Gaza, assiégés depuis plusieurs mois. Paroles de violences où reviennent régulièrement les mots «martyrs», «sang», «humilié », «guerre».
Barbe grise, fines lunettes, turban noir, l’homme, auréolé du prestige de la « victoire de son armée » contre Israël en 2006, fascine un grand nombre de Libanais, musulmans comme chrétiens. Elie par exemple, un maronite quadragénaire, qui porte avec ostentation une croix sur sa poitrine, m’assure que « le Hezbollah a changé. Qu’il n’est plus le même qu’avant et que de toutes les façons, on ne pourra pas bâtir un Liban libanais sans cette force". Face à lui Gaby, un autre maronite, partisan de Saïd Hariri, l’ancien Premier ministre sunnite du pays n’est pas d’accord. Pour lui le Hezbollah est le parti de l’Iran. La discussion s’engage, musclée, le ton monte mais sans déraper.
Il est 17 heures. J’ai envie de retrouver un climat de paix.
Ce pays où la violence peut éclater à tout moment, offre paradoxalement un nombre incroyable de lieux de recueillement, de silence et de prières. Petites églises arabes, monastères orthodoxes, ermitages, dissimulés dans les montagnes ou en bordure de Méditerranée comme Notre-Dame de la mer, située sur la côte à 40 km au bord de Beyrouth, où j’ai envie de vous emmener. C’est une modeste chapelle de grosses pierres ocres, entourée d’une cour carrelée. Toujours ouverte, toujours fleurie et parfumée d’encens.
A l’intérieur, au pied des portraits de saints brûlent des cierges qui ne semblent jamais s’éteindre. Régulièrement, une femme ou un homme entre, embrasse à l’entrée le portrait de la Vierge à l’enfant, s’agenouille, prie et repart furtivement en se signant. Dehors, la cour fait face à la mer et surplombe un mur phénicien, vieux de près de 4000 ans.
Nous sommes loin de la violence des manifestations de Beyrouth.
On sent alors que la paix est possible. Et qu’il suffit d’un rien pour vivre enfin ensemble dans ce Proche-Orient tourmenté.