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L’exode des chrétiens du sud Liban
L’exode des chrétiens du sud Liban
Les conséquences de la guerre à Gaza qui oppose depuis le 7 octobre dernier, l’armée israélienne au mouvement islamiste Hamas embrase la totalité du Proche-Orient. Au sud du Liban, la tension est à son comble, et les échanges de tirs entre le Hezbollah libanais, milice chiite pro-iranienne et l’Etat juif sont quotidiens.
Voilà plus d’un demi-siècle que la frontière libanaise est un lieu de conflit permanent. Les premiers affrontements remontent dès le début des années 1970, suite à l’accord du Caire signé entre le Liban et l’Organisation de la Palestine (1969), légalisant la présence des combattants palestiniens au Liban, et provoquant de nombreux accrochages et attentats dans la région.
Dans cette zone sensible, les villages chrétiens ont toujours été des cibles privilégiées. Victimes des Israéliens parce que libanais, et donc ennemi de l’Etat juif, mais cibles aussi des musulmans palestiniens, puis du Hezbollah libanais, parce que chrétiens et considérés comme « antimusulmans et soutiens de l’Occident. »
Debel, village à 85% maronite, en est l’exemple. Dans un ancien article (1), une femme raconte notamment que Saint Georges aurait, dès 1976, protégé La commune contre des commandos palestiniens, qui voulaient la raser, en faisant tomber un brouillard tenace, rendant le village invisible.
Beaucoup de chrétiens de cette petite localité qui avaient combattu le Hezbollah au sein de l’Armée du Liban Sud (l’ALS), allié d’Israël, avaient fui en Israël par peur des représailles, après le retrait en 2000 des troupes de l’Etat juif qui occupaient le sud Liban depuis 22 ans. Nombre de ces « collaborateurs », avaient pris les armes au nom de la liberté, craignant de vivre dans un régime islamique, à l’image de l’Iran ou de l’Afghanistan, où les chrétiens auraient été considérés, au pire, comme des citoyens de seconde zone. Des familles libanaises exilées en Israël jusqu’à aujourd’hui, sans espoir de revoir leur terre natale et leurs proches.
Au téléphone, le Père Fadi Felfily (photo ci-dessous), 38 ans, curé du village depuis 2011, m’explique que les habitants de Debel vivent depuis octobre 2023, le troisième exode de leur histoire. « Notre région est aujourd’hui bombardée tous les jours. La première année de mon ministère, le village comptait près de 3000 habitants, aujourd’hui 40% d’entre eux, ont préféré émigrer. »
Si Debel est situé à 2 kilomètres de la frontière israélien, Rmeich s’étend en bordure de la frontière (photo ci-contre). Milad Alam (Photo jointe), président de cette municipalité de 10.000 habitants (2) s’alarme : « les écoles sont fermées. 1500 enfants sont à la rue. 400 familles ont déjà quitté la ville pour le nord du Liban. »
Rmeich avait été envahi en 2006 par l’armée israélienne, mais avec le recul, Milad Alam assure « qu’avec la terrible crise économique qui frappe actuellement le pays, les scolarités payables aujourd’hui en dollars, et la pandémie du COVID, la situation est encore plus insupportable. Beaucoup de nos familles vivent sous le seuil de pauvreté. »
Comme Debel, Rmeich est touché tous les jours par des tirs d’obus, notamment les alentours, où se trouvent les positions du Hezbollah.
Quel est l’avenir de ces villages chrétiens ? Milad Alam comme le Père Felfily sont sans réponse. Chrétiens fervents, l’un et l’autre prient pour leurs villages. « jamais nous ne quitterons nos terres. Nous sommes attachés à nos villages, et nous avons un message à porter. » affirme l’élu de Rmeich. Pour lui, plus que jamais, la présence chrétienne au sud du Liban est capitale. Elle assure la diversité, indispensable facteur de paix.
Luc Balbont
- 1. Libération 3 juin 2000.
- 2. 10.000 habitants selon le maire.
©DR et Luc Balbont