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« Les chrétiens ont un rôle essentiel à jouer dans le monde arabe de demain »
Antoine Courban, co-fondateur de « Liban-Humanisme ».
Sur la porte de son bureau de professeur de médecine à l’université Saint Joseph de Beyrouth, cette plaque : « Pôle Médecine et Humanités », un département qu’il a fondé en 2008 et dirige depuis…. Humanité, humanisme : le mot revient régulièrement dans le discours, les conférences, les articles du docteur Antoine Courban, 68 ans, figure de proue de ce Liban de la diversité.
[caption id="attachment_807" align="alignleft" width="640"] Sur la porte du bureau de professeur Courban cette plaque : "
Médecine et humanités."[/caption]
Contrairement à ceux qui ont déjà enterré l’esprit du Mouvement démocratique libanais de mars 2005 et des Printemps arabes, six ans plus tard, en les rebaptisant hivers, lui ne se demande pas à quoi ont servi toutes ces révoltes : « Une graine a été semée, il faut, dit-il, l’arroser pour qu’elle grandisse et donne des fruits. » À l’opposé de ces chrétiens qui regrettent les dictatures, affirmant qu’elles les protégeaient de l’extrémisme, le professeur Courban, dans la fidélité à la tradition de l’Église orthodoxe d’Antioche dont il est membre, croit plus que jamais à cette jeunesse arabe. À cette génération, qui de Beyrouth à Tunis, et dans tout l’Orient osa descendre dans la rue pour réclamer pacifiquement le départ de ses dirigeants corrompus, et exiger des droits universels…
En mai 2016, la liste citoyenne « Beyrouth Madinati » (Beyrouth ma cité), dont il fut un chaud partisan, composée de citoyens Libanais issus de la société civile a remporté, face aux vieux partis de l’establishment traditionnel, un succès inattendu aux élections municipales. 95% dans la première circonscription de la capitale, un quartier à dominante chrétienne. Mais plus étonnant encore fut les taux obtenus dans la seconde circonscription, à forte présence chiite avec 25% environ, ainsi que les 45 % dans la troisième circonscription, quartier où vivent en majorité des sunnites. Un résultat positif qui démontre « la volonté des gens de vouloir en finir avec le féodalisme des clans et des confessions qui ronge nos sociétés », se réjouit le professeur. Il en est sûr ! L’esprit est toujours là, mais il sait qu’il faudra du temps pour arriver à installer une société civile durable. Reculs et temps morts font partie du combat.
[caption id="attachment_808" align="alignleft" width="640"] Antoine Courban durant l'entretien.[/caption]
Les chiffres encourageants que la liste « Beyrouth, ma cité », a obtenu lors des municipales, ont interpellé les vieux partis. Dans les semaines qui ont suivi le scrutin, Antoine Courban a été sollicité par plus d’un baron de la politique, dans l’espoir de le récupérer lors de campagnes électorales futures. Le médecin déclinait poliment, en conseillant à ces leaders d’aller écouter les doléances de ceux, qui peinent pour boucler leurs fins de mois.
En juin 2016 pour ne pas que le succès de Beyrouth Madinati reste sans lendemain, il fonde avec des acteurs de la vie civile, chrétiens, musulmans et druzes, un groupe de réflexion sur le vivre-ensemble en vue de protéger la diversité, richesse du Liban et du monde méditerranéen. Baptisé « Liban Humaniste », ce « Think Tank » mobilise les consciences, et ses militants n’hésitent pas à descendre dans la rue pour peser sur la vie politique. « Nous ne voulons plus que notre pays reste entre les mains de corrompus qui ne respectent pas les règles constitutionnelles. Ils mettent la nation en coupe, en régnant avec leur clientèle sur des régions entières. Les richesses et les devoirs doivent être partagés. Tout un pan de la population libanaise est aujourd’hui rejeté. »
[caption id="attachment_809" align="alignleft" width="640"] Liban humanisme entend peser sur la société du pays (article de l'Orient le Jour, été 2016)[/caption]
Dans cette joute, « les chrétiens ont un rôle capital » à jouer, affirme Antoine Courban, rédacteur-en-chef, lui le chrétien orthodoxe, de la revue, créée par les Jésuites, « Travaux et Jours » de l’Université Saint Joseph. « La vie humaine est au centre de tout. L’homme n’est ni l’esclave, ni le rival de Dieu. L’importance de la personne humaine et de son libre arbitre que nous avons assimilé, nous vient de la perception chrétienne du monde et de l’homme. Nous devons nous efforcer de la diffuser dans les sociétés orientales, où la loi tribale prévaut trop souvent encore sur la dignité et les droits de l’Individu. » … Individu avec un I majuscule.
Luc Balbont