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Adyan : Les religions au service de la citoyenneté

Beyrouth, quartier Badaro : Le musée national a survécu, traversant miraculeusement l’histoire tragique des années de guerre civile au Liban (1975-1990).

Dans ce secteur, des snipers embusqués de milices chrétiennes ou musulmanes, séparées par une « ligne dite verte », se livraient à des bombardements quotidiens.

Quinze années plus tard, les traces du terrible conflit ont disparu.

Commerces, cafés branchés, rues tranquilles, quelques rares villas arabes en grosses pierres ocres cernées d’immeubles modernes de béton et de verre plantent le décor. C’est dans l’un d’eux que se trouve le siège d’« Adyan », une association fondée en août 2006 autour du P. Fadi Daou, un jeune prêtre maronite et de Nayla Tabbara, une enseignante musulmane de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.
Bientôt neuf ans qu’Adyan (*1) et ses collaborateurs travaillent avec intelligence autour de cette question capitale pour tous les pays, où cohabitent des croyants de religions différentes : Comment construire une citoyenneté commune dans la diversité ?

Le Liban où se côtoient dix-huit confessions, 13 chrétiennes 4 musulmanes, ainsi qu'une petite communauté juive (*2), est le laboratoire idéal pour relever ce défi. Fadi Daou et ses collaborateurs l’ont perçu, s’obstinant à construire « cette citoyenneté » en y incluant les sensibilités multiples, qui tissent l’histoire de leur pays.

Si d’autres personnalités et groupes ont aussi senti cette impérieuse nécessité d’une identité partagée, les membres d’« Adyan » ont cette particularité de dépasser les classiques associations interreligieuses, où un dialogue courtois se noue entre personnes de même rang, sans aller vraiment au-delà des mots : « Si le dialogue reste important, il ne fait pas tout, constate Fadi Daou. Il peut régler des différends personnels entre des individus, mais il reste inefficace sur les communautés, s’il n’est pas accompagné par une volonté politique réelle, et suivi par des actions concrètes. » Au bilan de la fondation, on compte la signature d’accords de programmes d’éducation avec des établissements scolaires, la ratification de contrats de partenariats avec des pays et des ONG occidentales (*3), sans compter la volonté d’inclure des non-croyants dans les groupes de travail : « je préfère un non croyant qui accepte la diversité qu’un croyant qui la refuse.» ajoute le religieux.

Père Fadi DaouPour le directeur-fondateur d’Adyan, seule une véritable révolution des esprits parviendra à généraliser le sens du bien commun. Si Adyan mobilise les élites politiques, universitaires, religieuses et culturelles, la fondation mise beaucoup sur les jeunes. « Ce sont les futurs citoyens de demain. Les enfants doivent apprendre non seulement à vivre mais à travailler, à agir, à s’engager ensemble avec leurs différences.», martèle le P Daou. Pour lui chrétiens, juifs, musulmans ou athées ont le devoir impératif de défendre la valeur de la vie.

Ce travail de terrain en profondeur « Adyan » le mène auprès des professeurs, des familles et des responsables d’associations. Les initiatives sont nombreuses : conférences sur la citoyenneté, éducation à la paix, débat sur les valeurs communes islamo-chrétiennes, journées d’animation rassemblant des enfants de toutes les confessions. Adyan a aussi la volonté de dépasser les frontières, et de porter les fruits de son travail au-delà du Liban : « Aujourd’hui, la barbarie nous concerne tous, constate Fadi Daou. Ce qui vient de se passer à Paris, avec les attentats de janvier dernier (*4) le démontrent bien. Face à l’intolérance des terroristes qui tuent ceux qui ne leur ressemblent pas, nous devons nous fédérer. L’espoir d’un front commun est peut-être en train de naître de cette tragédie. »

L.B


 

(*1) Adyan : « les Religions » en français- Pluriel de « Al Din », la religion, en langue arabe
(*2) Maronites, Grec catholiques, Chaldéens, Syriaques catholiques, Arméniens catholiques, Coptes catholiques, Latins, rattachés à Rome
Pour les Églises non romaines : Grecs orthodoxes ( La branche orthodoxe de l'église Melkite comprise), Arméniens orthodoxes, Assyriens, Syriaques orthodoxes, Coptes orthodoxes…Sans oublier les protestants
Pour les musulmans : Chiites, Sunnites, Druzes, Alaouites, et une petite communauté juive de 200 personnes environ
(*3) dont « l’Œuvre d’Orient. »
(*4) Attentat meurtrier d’un groupe djihadiste contre le journal « Charlie-Hebdo » et une épicerie casher d’un quartier est de Paris

- A lire « L’hospitalité divine » P. Fadi Daou et Nayla Tabbara, aux éditions Adyan
- www.adyanvillage.net