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Ce Liban que j’aime

Houda a 32 ans. Elle vient d’un village du sud Liban. Elle est musulmane sunnite. Elle enseigne la littérature dans un lycée à Beyrouth. Houda ne porte pas de voile. Elle a la foi mais son engagement se situe ailleurs. Elle croit en un Liban déconfessionnalisé et explique à ses élèves qu’un « laïc n’est pas un athée, mais une personne qui s’identifie avant tout comme un citoyen, et non par sa religion. »

Ni chiite, ni sunnite, ni maronite, ni druze, ni orthodoxe mais libanais d’abord : c’est la devise de Michel, chrétien orthodoxe, 29 ans, journaliste à l’Orient-le-Jour, le seul quotidien francophone du Pays.

[caption id="attachment_110" align="alignleft" width="300"] Fête de mariage[/caption]

Émile, 35 ans, chrétien maronite a épousé Fatima, 33 ans, musulmane chiite.
Ils se sont connus et mariés à l’étranger mais sont revenus vivre au Liban. Leurs parents ne s’y sont pas opposés, ce qui est rare dans un pays où les mariages  interreligieux se nouent dans le déchirement des familles. Dans le couple, chacun a gardé sa tradition. Fatima explique que «servir son prochain sans arrière-pensée est sa façon à elle de prier.»

[caption id="attachment_113" align="alignright" width="300"]Concert Concert[/caption]

Walid, un Druze de 22 ans, une confession née d’un schisme de l’islam chiite en 1017, réfléchit avec un groupe de jeunes libanais de toutes confessions et de toutes origines à la période de la guerre civile qui a déchiré son pays entre 1975 et 1980. «  A partir de documents et de témoignages, nous voulons comprendre pourquoi les Libanais se sont  battus entre eux. Nos parents nous affirment toujours que cette guerre était celle des autres, et qu’avant, toutes les communautés vivaient ensemble sans problème. Ce n’est pas tout à fait juste. Nous voulons savoir ce qui s’est réellement passé, pour ne plus revivre la même tragédie.»

Ce Liban que j’aime porte les visages de Houda, Michel, Émile, Fatima et Walid. Cette nouvelle génération qui veut en finir avec le Liban de leurs aînés, celui des grandes familles et des patriarches, du tribalisme et des confessionnalismes identitaires.

[caption id="attachment_112" align="alignright" width="224"] Fête dans une église[/caption]

En 1997, le pape Jean-Paul II dans le discours qu’il avait prononcé à Beyrouth, lors de son voyage dans ce pays aux 18 confessions avait  parlé «du Liban comme d’un message». A l’époque tous ici avaient été conquis par le discours papal. Les croyants bien sûr, mais également la gauche libanaise laïque. Enthousiastes, certains de ses dirigeants, je m’en souviens pour avoir suivi l’évènement, allaient même jusqu’à vouloir faire de l’exhortation apostolique une charte pour le Liban futur. Derrière le mot message, chacun mettait ses rêves et ses espoirs.

Contrairement aux princes et chefs de clans qui mettent le pays en coupe, Houda, Michel, Émile, Fatima, Walid perçoivent que sur leur territoire de 10 000 Km2 se joue un enjeu mondial, celui de donner naissance à une citoyenneté faite des sensibilités religieuses différentes.

Un Liban d’ouverture de dialogue et de tolérance qui deviendrait un exemple pour la terre entière.
C’est ce Liban là que j’aime. C’est dans ce Liban là que j’ai envie de vivre.