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« COMMENT OUBLIER, QUE DE CETTE TERRE UNE PAROLE DE PAIX S’EST TRANSMISE AU MONDE. »

RENCONTRE AVEC LE P. ROMANELLI, CURE DE GAZA

Au téléphone, il prévient : « écrivez bien que les victimes à Gaza sont d’abord des civils, des femmes et des enfants. Pas des combattants. » Né en Argentine comme le Pape François, le P. Gabriel Romanelli, 54 ans, parfaitement arabisant, est arrivé au Moyen-Orient en 1995. Auparavant, il avait servi en Egypte et en Jordanie, avant d’effectuer son apostolat à Gaza, pour assister le Père Musallam, à la demande du Patriarche de Jérusalem, puis de le remplacer en 2019, comme curé latin de Gaza.

 « Comment oublier, dit-il, que c’est en Palestine que le Christ est né. C’est à partir de cette terre que s’est transmise, une parole d’amour et de paix. »

Lorsqu’en mai 2021, je l’avais interviewé pour le site suisse cath.ch, la petite Bande palestinienne, en constante liberté surveillée, comptait 1017 chrétiens, dont 133 catholiques. Le Père se rappelle qu’il y a 15 ans, lors de sa première visite à Gaza, le territoire en dénombrait 3500.

« Si Gaza a toujours été une prison permanente, Il est bien difficile aujourd’hui de donner une statistique fiable, reconnait le P. Romanelli, mais en cinq mois de guerre, Gaza compte plus de 30.000 morts (1), et notre communauté chrétienne a déjà perdu 29 paroissiens … »

REFUGE DANS LES ECOLES CHRETIENNES

« Des morts sans distinction de religions, poursuit-il. A Gaza, Chrétiens et musulmans partagent les mêmes deuils. Les familles vivent dans les ruines, étranglées par l’angoisse. L’aide alimentaire contrôlée par l’armée israélienne arrivent au compte-goutte, pas de médicaments, des hôpitaux détruits. Ici, on meurt de maladies bégnines. Dès le début de la guerre, chrétiens et musulmans se sont réfugiés dans les paroisses et les trois écoles chrétiennes. L’école de la Sainte-Famille, dans le quartier Rimal, accueille des centaines de personnes qui s’organisent dans une solidarité exemplaire. L’école du Rosaire a été bombardée et brûlée en partie. L’école paroissiale abrite 600 réfugiés, dont de nombreux enfants, encadrés par les sœurs de Mère Teresa. Notre église catholique est devenue aujourd’hui un lieu commun, où les gens mangent, dorment et prient. Les sœurs, aidées de quelques laïcs ont même commencé a donner des leçons aux enfants. Plus de 19000 gamins sont aujourd’hui séparés de leurs parents. »

 Gaza est coupé de tout : appels et réseaux. Pourtant, le pape François appelle tous les jours afin de montrer aux assiégés, que Rome ne les oublie pas. C’est en espagnol, leur langue maternelle, que le Saint Père échange avec le P. Romanelli. Et c’est en italien que le Saint père s’entretient avec le P. Yusuf, le vicaire paroissial.

Restera-t-il des chrétiens à Gaza ? « L’Eucharistie est notre force, assure le prêtre.  Les chrétiens Gazaouis ont triomphé de tant d’épreuves, qu’ils sont persuadés que Dieu les sauvera encore. »

Actuellement coincé à Bethléem, le curé de Gaza n’a pas pu retourner à Gaza. Y reviendra-t-il ? Partir ? L’idée ne l’a jamais traversé. « Si je quittais cette ville, j’aurais le sentiment de me couper de mes racines et de trahir mon histoire » et de conclure :« N’est-ce pas à Gaza que Joseph Marie et Jésus ont séjourné avant de se rendre en Egypte pour fuir le roi Hérode, puis de revenir en Palestine. »

Luc Balbont

(1) chiffre donné par le ministère de la Santé du Hamas, mais que l’ONU ne conteste pas.

  • Note : A lire « Chrétiens de Gaza » de Christophe Oberlin, photos de Serge Nègre, éditions Erick Bonnier, 195 pages, 20 euros.