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En Orient, l’école contre la barbarie
On me demande souvent pourquoi l’agnostique que je suis, collabore à l’Œuvre d’Orient, œuvre d’Eglise fondée il y a plus de 160 ans ? Journaliste durant 40 ans, mon parcours aura été marqué par deux reportages, sur l’école tous les deux.
Le premier, à la fin des années 1980, au Liban nord, afin de raconter pour le compte des éditions Albin Michel, l’histoire d’une femme (*1) qui se battait pour sauver un lycée de 800 enfants, dans un pays alors en pleine guerre civile. Pour se sortir du drame qu’ils traversaient, je me souviens que la certitude de ces gamins passait par l’étude et le savoir, qui, pressentaient-ils, leur ouvriraient des portes…
… Envoyé en Afghanistan début 2002, où les Etats-Unis à la tête d’une coalition militaire internationale, venaient de chasser les extrémistes talibans, j’allais vivre, douze ans plus tard, la même émotion qu’au Liban. A l’est de Kaboul, par une matinée froide et pluvieuse, j’entrais dans une classe où une dizaine d’adolescentes, venaient d’être admises pour la première fois de leur vie dans une école grâce à une ONG allemande.
Elles apprenaient à lire, assises en tailleur à même le sol, chacune d’elles tenant un livre sur leurs genoux. Dans un recueillement religieux, les écolières déchiffraient des lettres pour composer des mots. Subconsciemment, les petites avaient compris que ce livre était pour elles la clef de la liberté. Que grâce à lui, elles pourraient conduire leur existence, échapper au diktat patriarcal, au mariage arrangé ou forcé, à la burqa, à la maternité précoce, et qu’elles pourraient travailler pour devenir indépendantes.
Le souvenir de ces écoles afghane et libanaise ne m’a jamais quitté. Durant toute la fin de mon parcours professionnel, j’ai cherché à me mettre au service de l’éducation dans ces pays orientaux touchés par les crises et les guerres.
Ce n’est qu’en 2014, à l’heure de la retraite, que j’ai rencontré l’Œuvre d’Orient, suite à la parution d’un autre livre (*), que l’Œuvre avait décidé de soutenir. J’étais alors loin de m’imaginer que non croyant, issu d’un quartier parisien sensible, et militant aux jeunesses communistes jusqu’à l’âge de 20 ans, j’allais être accueilli avec chaleur, et trouver dans cette fondation religieuse le moyen d’atteindre enfin mon objectif : œuvrer pour la défense de l’éducation sur les rives sud et est de la Méditerranée.
Voilà plus de sept ans que j’ai rejoint l’équipe, tenant un blog, écrivant des articles pour le bulletin, donnant des conférences sur les chrétiens d’Orient, militant dans mes écrits et mes interventions sur l’importance de ces écoles religieuses et de l’éducation qu’elles dispensent. Au Liban où je réside une bonne partie de l’année, mais également en Syrie, en Irak, en Palestine, et dans tout le Moyen-Orient.
Aujourd’hui, dans ces régions, l’Œuvre d’Orient soutient plus de 400.000 élèves, de familles souvent précaires, pour leur ouvrir les portes des écoles, comprenant que ce n’était pas avec des fusils et des bombes qu’on construisait une démocratie.
Luc Balbont
(*1) « Sœur Brigitte, le femme qui soulève de montagnes. L’espoir ressuscité des enfants libanais – Albin-Michel, 1992
(*2) « Jusqu’au bout » - Entretiens avec Mgr Casmoussa, archevêque émérite de Mossoul – Nouvelle Cité