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FONDATION DE L’HÔPITAL SAINT-MICHEL : AU SERVICE DE LA SANTÉ DES LIBANAIS DEPUIS 1857

Lors de nos entretiens, Thierry Zakhia, le directeur général de la Fondation de l’hôpital Saint-Michel à Amchit s’était dit frappé en constatant « la similitude de la situation vécue au Liban depuis 2019, avec cette succession de catastrophes, et celle qui prévalait il y a près de 170 ans, lorsque notre institution a vu le jour… » Un peu d’histoire est sans doute nécessaire.  

LA CRÉATION DE LA FONDATION

 A la création de la Fondation en 1857 par Mikhael et Jabbour Toubia, ancêtres de la famille Zakhia, la population du Mont-Liban est délaissée, voire méprisée par les occupants turcs. Les fondateurs avaient donc cherché, à travers plusieurs initiatives, à combler ce vide, en finançant notamment les études des cinq premiers médecins libanais envoyés en Égypte pour se former. Le projet initial prévoyait également la création d’une école de médecine et la mise en place d’une clinique itinérante pour visiter les villages enclavés dans la montagne libanaise. Sensibilisés par la situation des démunis, les deux frères fondateurs avaient donné près de la moitié de leur fortune pour financer la construction et la gestion de cet hôpital, ouvert à tous gratuitement, sans distinction de religion ou de nationalité. Il s’agissait de la première initiative de santé publique et de la naissance du premier hôpital mis en place au Liban, bien avant l’Hôtel Dieu de France (1923) ou l’Hôpital Américain (1902). Depuis 167 ans, la fondation a toujours conservé cette même philosophie d’aide aux plus fragiles.

UNE SUCCESSION DE CRISES DEPUIS 2019

Malheureusement, le Liban est frappé depuis 2019 par la faillite du système bancaire, la pandémie du Covid, l’explosion du port de Beyrouth et, depuis septembre 2024, une guerre ouverte entre le Hezbollah et Israël avec son flot de réfugiés. Un enchaînement dramatique qui condamne les Libanais à la survie, dans un pays où la sécurité sociale est devenue inopérante, les assurances inaccessibles à beaucoup, et un État de plus en plus absent.

LA BAISSE DES REVENUS DE LA FONDATION

Conséquence de cet enchaînement désastreux, les revenus de la Fondation fondaient dangereusement et les réserves bancaires devenaient inaccessibles alors même que les besoins explosaient. Thierry Zakhia et son père, gérant de la Fondation, ont dû prendre des mesures pour répondre très vite aux nouvelles priorités, en optimisant les moyens encore disponibles. L’urgence n’était plus l’hospitalisation mais à la prévention, car une large frange de la population sombrant de plus en plus dans la pauvreté, ne consultait plus les médecins et n’avait plus accès aux diagnostics et aux médicaments, « Autrement dit, souligne Thierry Zakhia, on avait besoin de détecter les maladies suffisamment tôt pour, aussi longtemps que possible, permettre aux patients de garder une vie normale et reculer une éventuelle hospitalisation. La région couverte par la Fondation compte près de 150.000 habitants qui bénéficient de peu de structures médicales caritatives. »

LE CENTRE DE SANTÉ PRIMAIRE

« Cela nous a amené à ouvrir il y a un plus de deux ans un centre de santé primaire, agréé par le ministère libanais de la Santé, qui compte aujourd’hui plus de 7000 personnes inscrites dans nos parcours de soins, incluant une consultation avec un médecin de famille et si nécessaire avec un spécialiste, un examen de sang, la vaccination, la distribution de médicaments… », explique Thierry Zakhia. Chaque mois, près de 4000 actes médicaux sont ainsi réalisés et près de 2000 personnes reçoivent gratuitement leurs traitements médicaux. La demande reste forte et malgré une équipe d’une douzaine de médecins (médecins de famille, pédiatres, cardiologues, gynécologue, endocrinologue et dentiste), près de 1800 personnes sont encore en attente d’un premier rendez-vous pour intégrer le parcours de soins.  « L’essentiel des dépenses est supporté par la Fondation » confie le directeur, qui ajoute « L’Œuvre d’Orient nous a permis de financer l’achat d’un appareil d’échographie et la Claude et Sofia Marion Foundation, à travers « Together LiBeirut » et « Associação Caram-Portugal », nous a offert un appareil de mammographie. Mais cet édifice demeure fragile car l’essentiel de notre financement provient des revenus du patrimoine de la Fondation. Ce dernier étant exclusivement placé au Liban, il est soumis aux aléas économiques que traverse aujourd’hui le pays. » Si le Liban, seul pays du Proche-Orient où la convivialité entre les communautés religieuses et ethniques a encore un sens est menacé, des citoyens ne baissent pas les bras et espèrent encore à sa résurrection. 

Luc Balbont