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FOUAD ABOU NADER : Du combattant au militant du vivre ensemble

Avant de le rencontrer au foyer franco-libanais à Paris, j’avais lu son livre, écrit avec Valérie Raulin et Nathalie Duplan (1). Petit-fils de Pierre Gemayel, fondateur du parti Kataëb, et neveu de Bachir et Amine Gemayel, tous deux présidents de la République libanaise (2), Fouad Abou Nader, 65 ans, est un personnage incontournable de l’histoire du Liban. Sa vie pourrait se résumer en deux périodes. De 1971 à 1990, presque 20 ans de combat pour l’indépendance, et à partir de 1990, plus de 30 ans de lutte pour la reconstruction du pays.

Il a 15 ans lorsque qu’il s’engage en 1971 dans le parti Kataëb, fondé par son grand-père en 1936, et 18 ans lorsqu’il prend les armes contre les Palestiniens, qui instaurent un « État dans l’État » au Liban. L’homme précise : « Si je défends la création d’un État palestinien en Palestine, je ne pouvais pas accepter que ce peuple, que nous avions accueilli dès 1948 impose sa volonté dans mon pays natal. » Fouad Abou Nader combattra jusqu’en 1990. Quinze ans de guerre où il est blessé plusieurs fois. Quinze ans de violences et de destructions où il voit ses proches tomber, passant par les conflits et les trahisons de son propre clan. Une tranche de vie incertaine où il réconforte et soigne ses hommes, qu’il commande de 1983 à 1984, en tant que chef des Forces libanaises (FL), qui ont remplacé les Kataëb à partir de 1980 (3).

À ceux qui reprochent aux chrétiens d’avoir fait couler le sang, Fouad Abou Nader réplique : « Si nous n’avions pas pris les armes en 1975, le Liban aurait été une patrie de rechange pour les Palestiniens, ou une nation annexée par la Syrie. »

Si l’homme s’est battu pour maintenir une présence chrétienne sur sa terre natale, c’est aussi pour les musulmans, afin de faire de ce petit État un modèle authentique de vivre ensemble, et de citoyenneté commune islamo-chrétienne, non seulement pour les pays arabes, mais pour le monde entier.

La guerre finit en 1990, Fouad Abou Nader se met au travail pour que son rêve de citoyenneté commune se réalise. En 2010 il fonde « Nawraj », une association qui aide les chrétiens à rester sur place, tout en maintenant un lien fort avec les communautés musulmanes, œuvrant ainsi pour construire un pays commun avec « les ennemis d’hier ». Contrairement aux chrétiens identitaires, Fouad Abou Nader soutient qu’un Liban laïque est possible, à condition de ne pas rejeter la religion « comme vous le faites parfois en France, mais en s’approchant davantage du modèle italien », dit-il.

En onze ans d’existence Nawraj affiche à son actif un grand nombre de réalisations, grâce auxquelles les chrétiens sont restés sur leur terre : aides au développement et à l’agriculture, constructions ou restaurations d’écoles, créations de dispensaires, améliorations des services publics (eau, électricité, transports).

Fouad Abou Nader a quitté son treillis et déposé définitivement les armes. Outre la direction de son association, il est aussi appelé au Liban, mais également en Europe et aux États-Unis pour présenter Nawraj, et développer sa conception du vivre ensemble.

Et quand on lui demande le pourquoi de cette métamorphose, il répond sans l’ombre d’une hésitation : « Je ne veux pas que mes enfants connaissent le drame que nous avons vécu. »

Luc Balbont

Notes :

(1)- Liban : les défis de la liberté. Le combat d’un chrétien d’Orient - Éditions de l’Observatoire - 220 pages ; 19 euros.

(2)- Bachir Gemayel, président du 23 août 1982 jusqu’à son assassinat le 14 septembre 1982 ; et Amine Gemayel de 1982 à 1988.

(3)- Création des FL à cette date, en fédérant les partis chrétiens dont les Kataëb.