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La colère d’une Palestinienne chrétienne

A 74 ans Nora Carmi, née à Jérusalem, une ville qu’elle n’a jamais quittée, a traversé trois occupations : britannique, jordanienne et israélienne, ainsi que de multiples conflits intercommunautaires. La dernière guerre qui a opposé les islamistes du Hamas à l’armée israélienne aura duré 11 jours. Elle s’est terminée par un fragile cessez-le-feu, signé dans la nuit du 21 au 22 mai, et soldé par un lourd bilan : 240 morts à Gaza dont 68 enfants.

Personnalité reconnue, Nora Carmi parcourt le monde, afin que la Palestine ne soit pas l’oubliée de la communauté internationale. Dans cette interview, elle dit toute sa détresse et sa colère.

Comment avez-vous vécu cette nième guerre ?

Nous revivons chaque fois le scénario habituel, c’est la 4ème guerre que l’on traverse depuis que le Hamas a pris le pouvoir à Gaza en 2007 et se sont toujours les mêmes scènes qui se répètent. Les Palestiniens sont toujours frappés par les mêmes injustices et passent pour des terroristes quand ils répliquent, aux yeux des Occidentaux. En face, les Israéliens sont toujours perçus comme des victimes qui ont le droit de se défendre, quand ils sont « attaqués ».       

Dans ce carnage à Gaza, la communauté internationale ose appeler « à la retenue » et l’ONU est incapable de voter une résolution.

Coincé entre les musulmans majoritaires et un Etat juif dominateur, comment vit-on quand on est Palestinien chrétien en Israël ?

La Terre Sainte est le berceau des trois monothéismes, christianisme, islam, judaïsme et de deux peuples, palestinien et israélien.   

Nous, chrétiens, sommes très minoritaires – 1,5% de la population – par rapport aux juifs qui nous occupent et aux musulmans archi majoritaires, mais quelle importance, puisque Dieu nous a créés dans une même humanité.

Mais même minoritaires face aux musulmans et aux Israéliens, je ne me sens pas « coincée ». Nous sommes là depuis plus de 2000 ans, et avec notre histoire, nos églises, nos écoles, nos universités, nos hôpitaux, nos services sociaux, nous participons grandement à la vie du pays.

Construire une société juste, où les non juifs ne seront plus traités comme des citoyens de seconde zone, voilà la raison du combat que je mène avec amour mais fermeté. Je rêve toujours de deux peuples, égaux qui se respectent.

Dans quel état êtes-vous aujourd’hui ?

Je suis révoltée. J’ai honte pour ces grandes puissances qui « appellent lâchement à la retenue » sans oser condamner fermement Israël.

En voulant expulser des familles palestiniennes du quarter de  Sheikh Jarah à Jérusalem –  sorte de « nettoyage ethnique » - et en prenantd’assaut la mosquée Al-Aqsa, lieu saint de l’islam, la police israélienne a déclenché une révolte inattendue de la jeunesse palestinienne  puis de Gaza, le Hamas a pris le relais, en tirant des salves de roquettes qui confortent,  hélas, Netanyahou et les partis d’extrême droite israéliens racistes et anti arabes, qui font la pluie et le beau temps aujourd’hui dans ce pays.

Malheureusement, à Gaza c’est la population qui paye lourdement. Beaucoup de juifs sont indignés par la politique agressive menée par leur Premier ministre.       

Y a-t-il un avenir pour les chrétiens palestiniens qui ne cessent d’émigrer ?

Cette terre qui concerne l’humanité entière n’est plus sainte. Pour qu’elle le redevienne, la présence des chrétiens est indispensable. Leur parole rapproche les communautés, assure la diversité et aide à construire des ponts d’entente. Il y aura toujours des chrétiens en Terre sainte.

Recueillis par Luc Balbont.