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La foi des Éthiopiennes

Les lieux saints me fascinent. Au Liban, où je vis, on les croise partout, dans les villes, dans la montagne, sur les routes. Dans ce pays aux dix-sept confessions, la religion envahit le quotidien. 

Chez les chrétiens libanais, même le plus athée des athées baptise ses enfants, rien que pour ne pas décevoir sa mère, ou être montré du doigt dans son village natal. Il y a quelques jours, me rendant avec un groupe de jeunes Libanais du Nord à la frontière israélienne, tout au sud, je me suis arrêté à la basilique Notre-Dame de Maghdouché, située à la sortie de Saïda. Le bâtiment, de construction récente, est pompeux, sans intérêt. En revanche, en contrebas, se trouve une grotte, redécouverte par un berger, au début du XVIIIe siècle. C’est là, selon les Textes, que Marie attendit Jésus, venu prêcher à Saïda, qui s’appelait alors Sidon. Un parvis a été aménagé. Aujourd’hui, on accourt de partout pour y pèleriner et se recueillir. Maghdouché, propriété de l’Eglise grecque-catholique, est devenu un marqueur fort de l’histoire du christianisme libanais.

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En ce dimanche d’été, pourtant, ce ne sont pas les vieilles pierres qui captent mon regard, mais des gens d’aujourd’hui, bien vivant parmi les vivants. Un groupe d’une quinzaine d’Éthiopiennes, qui, s’étant réunies la veille pour prier dans la basilique, sont revenues pour nettoyer le lieu. Des femmes en tenues traditionnelles, longues robes légères blanches ou multicolores, qui les recouvre de la tête au pied, mais sans cacher leurs visages.  Démarche lente et élégante, regard doux et souriant, l’une d’elles porte sur son dos une grande fresque de toile, d’où se détache la figure de Jésus. Plus loin deux autres emmènent des instruments de musique et des tapis. Avant de rentrer dans le chœur de l’Eglise, elle se déchaussent, comme le font les Musulmanes. Puis elles prient avec ferveur. Rien ne semblent les tourmenter.

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Ces femmes incarnent l’universalité d’une Église, qui n’a ni passeport, ni couleur. Elles se confient à la mère de Jésus dans leur dialecte. Leur regard porte ailleurs, leurs soucis sont oubliés. Pour faire vivre leurs proches, toutes ont quitté le pays natal, la famille, les enfants. Elles sont venues travailler au Liban, placées par un bureau spécialisé, au service de familles bourgeoises, pour un salaire de 400 dollars par mois. Du matin au soir, elles s’occupent d’une maison qui n’est pas la leur, des enfants des autres, et d’une grand-mère âgée, souvent acariâtre et exigeante. Elles s’endorment sur un canapé dans le salon commun, quand tout le monde est couché. Elles n’ont pas d’intimité, pas de vie affective, traitées pour certaines avec dureté. Chaque mois, elles envoient ce qu’elles gagnent à leurs proches restés au pays, leur permettant ainsi de vivre un peu mieux ou d’envoyer les enfants à l’école. Pour elles, le royaume n’est sûrement pas de ce monde, mais elles ne se plaignent jamais devant les étrangers. Comme elles, j’aimerais tant, moi aussi, faire confiance au ciel, sûr de l’éternité et de la justice divines.