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Une leçon de paix au collège de Beit-Habbak
A 40 kilomètres au nord de Beyrouth, sur les hauteurs de Jbeil, dans le petit village de Beit-Habbak, l’école dirigée par les sœurs missionnaires du Très Saint Sacrement accueille 1300 élèves, de la maternelle à la terminale. Dans ce Liban où les études coûtent chères, où les familles moyennes s’endettent, vendent leurs biens pour permettre à leurs enfants d’étudier dans les meilleures conditions, cet établissement ouvre ses portes à des jeunes issus de milieux modestes. Des filles et des garçons, venant de la trentaine de villages des montagnes alentours, qui bénéficient ici d’un enseignement d’excellence.
Pour le P. Emile Géara, fondateur de cette jeune Congrégation qui fêtera son cinquantième anniversaire en septembre 2016, transmettre un savoir aux enfants, et notamment aux jeunes filles de foyers pauvres, était un garant de paix. Une volonté respectée à la lettre. A Beit-Habbak, en 2015, soixante seize internes, orphelines ou ayant connu des débuts de vie brisée, peuvent non seulement passer le baccalauréat, mais poursuivre, par la suite, des études universitaires. Aides de l’État, d’ONG diverses (*), dons de particuliers, et travaux des sœurs assurent le financement de l’école et le remboursement des emprunts.
98% de réussite au bac : Un taux exceptionnel pour ce collège perdu dans les montagnes. Mais plus que les statistiques glorieuses, c’est la volonté de la direction de former d’abord des citoyens ouverts sur le monde, qui rend l’établissement attachant. A côté des cours classiques, les élèves peuvent consacrer leurs loisirs à l’écologie, se former aux énergies renouvelables, se consacrer à la musique, fréquenter des ateliers de lecture, jouer au basket-ball, participer à des actions humanitaires, débattre avec des invités de sujets de société touchant à l’éducation, à l’exclusion, à la parité, à la prévention contre le tabac, les drogues ou les abus sexuels.
Mais ce qui différencie plus encore Beit-Habbak des autres écoles et collèges libanais, c’est tout le travail concret entrepris autour de la paix. Une spécificité qui doit beaucoup à Sœur Mona-Marie Bejjani, la directrice du lieu.
Transmettre la paix, c’est le charisme de cette jeune religieuse de 40 ans, son obsession. Déléguée de sa Congrégation pour le dialogue islamo chrétien, sœur Mona-Marie, foi du Christ chevillée au cœur, s’attache à faire découvrir aux jeunes les autres religions, pour leur monter que les voies qui mènent vers ce Dieu amour auquel, elle consacre sa vie, sans regrets, depuis vingt ans, sont multiples et diverses. Dans le sobre salon, sous les portraits du pape François, du patriarche maronite et du fondateur des Sœurs du Très Saint Sacrement , sœur Bejjani me confie avec douceur, qu’elle "aime entendre les autres parler de leur religion, pour découvrir l’humanité, qui existe en chacune d’elle.” La religieuse dresse un panorama des actions entreprises par le collège en faveur de “l’agir ensemble”.
Conférences sur le respect mutuel, débats sur la convialité islamo-chrétienne, camp de la paix, qui chaque année réunit, durant trois jours, des jeune chrétiens et musulmans pour “ qu’ils jouent, échangent et marchent ensemble.”
Autant d’activités qui trouvent leur prolongement dans les programmes scolaires quotidiens. Ainsi dans cette classe de première que je visite en cette matinée d’hiver , les deux enseignantes de français, Katia et Samar, font travailler leurs élèves sur un livre de la poétesse française, d’origine libanaise, Andrée Chédid, “L’enfant multiple”. Une fiction qui raconte l’histoire d’un adolescent Omar-Joseph, qui ayant vécu la guerre civile au Liban, refuse de choisir entre la religion musulmane de son père et le christianisme de sa mère. Il se veut citoyen du monde. Dans la classe, Lourdes, Firas, Christa, Ali, Hassan et Rebecca entament un débat sur les dangers du confessionnalisme et les bienfaits de la fraternité universelle … A l’écart, Sœur Bejjani écoute et sourit.
(*) dont l’Œuvre d’Orient