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LIBAN : « LES CHRÉTIENS DU SUD, ÉTERNELS OTAGES… »

Entre Israël et le Hamas

Huit mois déjà que les Khoury (1) originaires d’une localité chrétienne, proche de Rmeich, au sud Liban, ont rejoint Beyrouth, hébergés par un beau-frère. « Au village, notre maison n’a pas de cave pour se réfugier, explique la mère. Aucun endroit n’est sûr, et chaque jour Israël bombarde. Beaucoup ont préféré partir, pour se mettre à l’abri. »

Dans le sud, le long de la frontière israélienne, des obus incandescents ont brûlé les cultures, raconte d’autres témoins : oliviers, champs de tabac. Les bombardements au phosphore ont pollué les terres et l’eau. « Nous vivions en partie de la vente de nos produits. Les olives et le tabac était notre ressource principale. Cette année nous n’avons pas vendu nos récoltes. Alors nous nous sommes réfugiés chez une sœur à Beyrouth, » explique une mère accompagnée de son fils de 20ans.

Réunies dans la salle de réunion de l’association caritative Libami, à Beyrouth quatre familles chrétiennes décrivent leur vie d’enfer au Sud. Dix mois de violence depuis le 7 octobre 2023 entre Israël et le Hezbollah. Une guerre qui n’en finit pas : des maisons détruites, des magasins vides, plus de médicaments ou de médecins pour se soigner.

A Beyrouth, à Jbeil, à Jounieh, dans les villes du nord- Liban, ils se sont installés chez des parents, en attendant de revenir chez eux. Et même si la solidarité fonctionne, la vie commune ne va pas sans poser de problèmes. « Depuis huit mois, confie Houda, nous cohabitons à l’étroit. Dix-huit personnes dont des enfants et des adolescents dans une petite maison. Le soir nous dormons dans deux chambres minuscules et un salon. Une douche unique. Pas d’intimité. Et puis, on se culpabilise de ne pas pouvoir aider ces parents qui nous accueillent. »

Benny, 17 ans, qui devait passer son bac cet été, et intégrer une université à Beyrouth a dû arrêter ses études : « toutes les écoles sont fermées à Debbel où nous résidons. Il ne me restait que l’enseignement en ligne, mais avec les coupures constantes de courant, les cours étaient irréguliers. » confie le garçon, qui montre sur son téléphone portable des vidéos de villages détruits.

Quand il sort de sa paroisse de Rmeich, une ville située sur la frontière israélienne, le Père Nagib Al Amil peut voir de ses yeux cet autre pays, qui s’exprime dans une langue différente, avec une autre écriture, et prie différemment un dieu soi-disant commun, mais dans une autre tradition religieuse : Israël, l’ennemi. « Nous n’avons pas de mauvais sentiment. Nous voulons seulement vivre en paix, cultiver nos champs, élever nos enfants, » soupire le prêtre maronite de 73 ans. Marié, trois enfants et sept petits-enfants, il ajoute, fataliste : « au Sud, les chrétiens, sont les éternels otages. Nous avons subi les Palestiniens dans les années 1970, le Hezbollah depuis les années 1982, et les Israéliens qui nous ont occupé jusqu’en 2000, et nous bombardent encore aujourd’hui. »

Père Nagib, curé de Rmeich

Grâce à la solidarité familiale, soutenu aussi par des associations caritatives comme Caritas, l’Ordre de Malte, l’Œuvre d’Orient, l’Église latine ou des donateurs privés, les chrétiens du Liban-sud sont en mode survie… Une fois de plus, mais Jusqu’à quand ?

 Luc Balbont

(1) Les prénoms ont été changés. Les familles rencontrées demandaient l’anonymat, et refusaient les photos pour pouvoir retourner chez elles en paix.

  • Selon le ministère libanais de la Santé, il y aurait plus de 85.000 déplacés du sud, ayant rejoint le nord du Liban.