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Mission Village, une présence chrétienne au Liban
Le 24 septembre dernier, les dépêches des agences de presse annoncent la mort d’au moins 500 victimes au Liban, dont presque un tiers de civils (entre autres 50 enfants et 94 femmes). L’Etat hébreu bombarde le sud, les quartiers chiites de Beyrouth et la plaine de la Bekaa. Les islamistes répliquent.
La psychose monte dans la population. Zeina, une chrétienne qui vient de donner naissance à son premier enfant n’ose plus se servir de son téléphone depuis l’affaire des portables piégés par Israël. A Jounieh, Lara s’attend au pire « Nous sommes les otages des extrémistes, résume la jeune femme. « Nous du Hezbollah, et les Israéliens de leur gouvernement de colons ultra nationalistes. »
Le Liban se vide. Les ambassades étrangères sont assaillies de demandes de visa. Pourtant, malgré la crise économique, l’explosion du port de Beyrouth, et la guerre entre le Hezbollah et Israël qui se durcit de jour en jour, le Pays du Cèdre continue d'assurer. Dans les villes côtières du nord, les terrasses des cafés font le plein en fin de semaine, des baptêmes sont célébrés, des concerts et des expositions sont organisés. Une journaliste française me demandait encore il y a quelques jours, si le pays était vraiment en crise. Il l’est assurément, mais ici, les gens ont en eux un amour de la vie qui les pousse à créer, et à espérer encore en un avenir possible.
A Dekweneh, un quartier populaire de Beyrouth, Laudy et Claude Khoury incarnent cette résilience et cette force de créativité. Ils se sont connus en 1976, un an après le début de la guerre civile, qui allait détruire le pays jusqu’en 1990. Agés de 16 ans à l’époque, le couple faisait partie d’un groupe de prière, qui s’occupait des déplacés, obligés de quitter leurs villages à cause des combats. Aujourd’hui, le drame se répète, avec ces familles du sud qui viennent se réfugier au nord pour fuir les bombardements. Sur la route, des files de voitures pleines à craquer rallient Beyrouth au pas, pare-chocs contre pare-chocs.
C’est de ces années 70, et de la paroisse de Sainte Takla dirigée par le P. Daoud Kawkabani, un prêtre charismatique, qui bien qu’en partie aveugle, avait mémorisé l’Evangile et le Coran, que va naître l’idée de « Mission Village » : « un nom qui n’est pas dû au hasard, explique Claude Khoury, car c’est dans les villages que les solidarités se nouent, pour compenser l’absence d’un État totalement inexistant chez nous. »
Dans l’immeuble qui abrite « Mission Village » tout est prêt depuis peu pour accueillir les bénéficiaires. 10 chambres doubles aménagées, des douches, des toilettes, une grande cuisine. Un espace clair, agréable ou des gens isolés, délaissés, abandonnés pourront se reconstruire, et retrouver des raisons d’espérer en apprenant un métier. Pour Laudy, « c’est l’objectif premier de Mission Village : former des gens afin qu’il se réinsèrent dans la société par le travail, en leur redonnant l’estime d’eux-mêmes. » Mission village n’attend plus qu’un supplément financier pour démarrer.
Pays meurtri, partagé en clans rivaux, le Liban tient par des personnalités comme les Khoury. Des gens qui transmettent l’espérance. « Des naïfs » qui démontrent que le pire ne triomphe jamais. Au Liban, les chrétiens jouent un rôle capital. « Si je vis mon islamité à la mosquée, j’ai besoin des chrétiens pour vivre mon arabité » affirmait Mohamed As Samak, représentant il y a quelques années du grand mufti sunnite du Liban. Et le sociologue musulman Séoud al Maoula lui répondait en échos que « Sans les chrétiens, la diversité Libanaise n’aurait plus de sens » (1). Une présence indispensable.Claude et Laudy Khoury en sont l’exemple parfait.
Luc Balbont
- Luc Balbont - La Croix du 7 janvier 1998 et chronique blog de l’œuvre d’Orient du 15 octobre 2014