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Pascal Maguesyan, le vagabond de l’Orient

De 1989, année de son premier voyage en Arménie, jusqu’à sa dernière mission, dans le nord irakien, en août dernier, voilà vingt-huit ans que Pascal Maguesyan arpente les chemins et les terres, qui ont vu naître les Églises orientales. Il contemple, hume, ressent, prenant son temps pour mieux saisir l’esprit de cette chrétienté, sans laquelle le Vatican n’existerait pas aujourd’hui.

Petit-fils de rescapés du génocide arménien de 1915, qui vit ses grands-parents réchappés miraculeusement des massacres de masse perpétrés par l’empire ottoman et la République des jeunes Turcs, Maguesyan, 48 ans cette année, se promène de monastères en sanctuaires, d’ermitages en cathédrales, et de villes en villages, où il collecte les témoignages, afin de retracer l’histoire d’un christianisme, indispensable à la paix en Orient.

Pascal Maguesyan est inclassable. A la fois journaliste, écrivain, voyageur, un peu historien, parfois poète, un brin philosophe.  Dans « chrétiens d’Orient, ombres et lumières » (1), publié en  2014, il rapportait de courts récits de Palestine, d’Israël, de Syrie, d’Irak, du Liban, d’Égypte, d’Iran, d’Arménie, de Turquie, racontant  à la fois les difficultés des  minorités chrétiennes de vivre en « communautés tolérées » dans cette partie du monde, mais aussi le miracle qu’elles y soient restées aujourd’hui encore.

Trois ans plus tard, dans son ouvrage « Sur le chemin de Guiragos » (2), Pascal Maguesyan  met ses pas dans ceux des déportés Arméniens de 1915, marchant entre Ani , l’ancienne capitale arménienne, aujourd’hui en Turquie et Diyarbakir, « capitale » des Kurdes turcs. Une marche avortée en chemin par les conflits actuels entre Turcs, Kurdes et Jihadistes. Un récit écrit comme un devoir de mémoire, afin que les négationnistes, qui s’efforcent d’effacer plus de 17 siècles de chrétienté arménienne, n’atteignent pas leur objectif.

Dans ses livres, Pascal Maguesyan n’entretient pas un souvenir mortifère sans avenir, comme souvent les écrivains des génocides, qui se complaisent dans une prose larmoyante. Mais tout en rappelant les assassins à la repentance, l’homme s’applique aussi à mettre en évidence des personnalités turques, qui en appellent à la reconnaissance du crime.   Ahmet le kurde, « son bien cher frère qui l’a aidé à se révéler » : Ayse, la Turque qui «  lui a demandé pardon, pour ce que son pays avait infligé aux Améniens » ; l’écrivain turc Yachar Kemal qui a contribué à sauver l’église de Sainte-Croix d’Aghtmar, joyaux du christianisme arménien. A son ami Aram, Arménien de France, qui tente, lui aussi, de tirer  l’histoire de l’oubli, il écrit, « comme toi j’aimerais voir des moines arméniens vivre et prier dans ces monastères aujourd’hui en ruine et sans vie, mais j’imagine aussi ces lieux de foi devenir des espaces de dialogue entre les spiritualités, les cultures et les civilisations. »

A Ani, l’ancienne capitale de l’Arménie médiévale, devant la frontière fermée, symbolisée par un pont détruit sur un fleuve, l’homme rêve : « Le jour où la repentance aura été faite et la justice pour le génocide des Arménien rendue, nous pourrons de nouveau  traverser le petit pont de pierre reconstruit qui enjambe l’Akhourian» … alors  la «  réconciliation deviendra possible ; le pont deviendra un chemin de fraternité et Turcs et Arméniens pourront restaurer l’unité propre au genre humain. »

Fin août 2017, Pascal Maguesyan est parti en mission en Irak, avec une équipe de l’association « Mésopotamia », afin de recenser ce qui reste du patrimoine chrétien et yazidi, après le passage des djihadistes. L’objectif du groupe a été de montrer que l’Orient est traversé par des civilisations et des croyances diverses … Sans cette diversité, ces pays n’ont plus de sens.

Naïf Maguesyan ? Il s’en défend : « chaque matin incarne un espoir possible. Et c’est à nous, dit-il,  de décider d’en prendre ou non  le chemin. »

Luc Balbont


  • Editions Thaddée, janvier 2014
  • Union Internationale de Organisation Terre et Culture –www.terreetculture.org