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Un projet pour changer l’image de Tripoli

Malaka al Lawzi et Alexandre Khouri marchent tranquillement sur la terrasse de l’Institut levantin de Tripoli, la capitale du Liban nord. La sérénité du duo tranche avec la fureur de la ville : Tripoli la bruyante, la mal aimée, la révoltée, la terroriste, l’islamiste, décriée par Beyrouth qui la trouve trop arabe, évitée par les Occidentaux qui en ont peur. C’est pourtant là qu’Alexandre Khouri a choisi de vivre et de travailler ; là qu’il a ouvert un institut de langues, en avril 2017, avec ses amis Serge et Sophie Harfouche, deux Libanais francophones. Il aime cette cité, qui souffre pourtant d’une image tellement négative. «La réputation violente de la ville (°) effraye les étrangers. Même ma famille, originaire pourtant de Tripoli, aurait préféré que je reste en France, où j’avais été scolarisé, voire que je m‘installe à Beyrouth, plus rassurante pour elle. » Mais le garçon n’en démord pas. C’est à Tripoli qu’il s’installe. Son entourage se résigne.

UN PARCOURS D’HUMANITAIRE  

C’est en avril 2017, qu’Alexandre Khouri ouvre les portes de son institut. Né en France, à Caen (Calvados), en 1988, d’un père Libanais, sa double nationalité lui permet de passer d’un pays à l’autre sans problème. « Je passais généralement mes vacances au Liban. Et j’avais de plus en plus de mal à en repartir. En 2008, j’ai décidé de rester, j’avais 20 ans. » À l’Université Saint-Joseph de Beyrouth il décroche une licence en relations internationales, tout en commençant à travailler, dès 2012, à « l’Organisation internationale pour l’immigration », une agence de l’ONU. En 2013, il rejoint le Haut-commissariat des réfugiés (HCR), avant de muscler son curriculum vitae, en soutenant un master « Migration et Développement » à la « School of Oriental and Africa Studies » de Londres. En 2015-2016, il est recruté par la Croix Rouge Internationale (CICR) pour s’occuper des réfugiés dans le sud de l’Europe, en Grèce et en Italie. Alexandre a cependant besoin de stabilité, marié à une libano-palestinienne, il décide de revenir au Liban. « J’en avais assez de vivre dans l’errance, et je percevais qu’un projet humanitaire au Liban nord aurait plus d’utilité et d’impact, que de continuer à travailler pour des organisations internationales, en courant à travers le monde. Ici, je pourrais changer les choses plus concrètement.»

UN PROJET CITOYEN

Son projet : Une école de langue où des entrepreneurs, des diplomates, des universitaires apprendraient l’arabe, lors de stages payants, doublé d’un centre de soutien scolaire et d’activités d’éveil (organisation de la ville, recyclage des déchets, hygiène et propreté). Un centre entièrement gratuit, pour les enfants et les adolescents pauvres des quartiers nord de Tripoli.
Depuis six mois, l’Institut levantin de Tripoli fonctionne, situé à deux pas du rond-point Allah, dans un vieil immeuble de style arabe. Au premier étage se trouve les salles de classe pour les enfants, qui viennent se remettre à niveau. Au-dessus, l‘Institut pour les adultes, qui finance et assure le bon déroulement du centre, la scolarité des jeunes et les salaires des professeurs. « Nous n’avons pas encore les moyens de rémunérer nos enseignants. Pour le moment, ils ne sont que défrayés », regrette le jeune directeur.
L’équipe est formée de cinq professeurs : Fatima, Tristan, Mayada, Sarah, et Allah, âgés de 20 à 30 ans. Un ensemble mixte et islamo-chrétien, auquel s’ajoute Malaka al Lawzi, la coordinatrice du groupe. Malaka, qui a choisi d’adhérer au projet. Un pari pour cette jeune avocate musulmane de 28 ans, qui coordonne les programmes éducatifs, car si les débuts sont prometteurs et encourageants, l’avenir est suspendu à des interrogations et des incertitudes. Le démarrage a été probant, mais depuis octobre, avec la fin des vacances, les élèves se font rares, et les rentrées d’argent s’espacent. Alexandre Khouri en profite pour multiplier les rendez-vous avec les mécènes qui pourraient financer l’Institut, et les universités européennes et asiatiques susceptibles de lui envoyer des élèves adultes. Un projet humanitaire, tel qu’il le voulait : « Eduquer les jeunes les plus défavorisés, pour les empêcher de tomber dans la misère intellectuelle, voie royale vers l'extrémisme » … Et pour que Tripoli n’effraie plus Beyrouth et l’Occident.
Luc Balbont

Photos : Elise Delanoë

(°) Entre 2012 et 2014, des affrontements meurtriers ont eu lieu notamment entre 2 quartiers de Tripoli, celui majoritairement sunnite de Bab al-Tenabeh, et celui alaouite de Jabal al-Mohsen

Institut Levantin de Tripoli
Zahrieh, Independance Street
Tripoli, Liban
Tel: 00 961 71 586 508

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