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Le combat citoyen du cardinal irakien Louis Raphaël Sako
Le combat citoyen du cardinal irakien Louis Raphaël Sako
Le patriarche de l’Eglise chaldéenne Louis Raphaël Sako, qui sera créé cardinal le 29 juin prochain, à Rome, est un ardent défenseur de la citoyenneté. Une constante pour celui qui accédera bientôt officiellement au conclave. En septembre 2015 déjà, à Paris, lors d’une conférence internationale sur les minorités religieuses et ethniques persécutées au Moyen-Orient, son intervention avait marqué les esprits. Pour lui, le monde arabe, et notamment l’Irak son pays natal et la Syrie voisine, frappés par des conflits sanglants, ne pouvaient s’en sortir qu’en s’attachant à construire un futur « basé sur la citoyenneté, afin d’inclure, précisait-il, toutes les composantes de la société civile. Sans logique tribale, ni sectaire. »
A l’époque, le patriarche n’avait pas hésité à affirmer que l’éradication de toutes « les discriminations communautaires » passait par « une séparation de la religion et de l’Etat. » Une laïcité en quelque sorte, que les sociétés arabes préfèrent appeler citoyenneté, tant le mot effraie les dirigeants de ces pays majoritairement musulmans, qui l’assimilent à une valeur occidentale, inapplicable, pour eux, au Moyen-Orient. Dans son intervention, le religieux irakien réclamait également une charte pour transformer les manuels d’éducation religieuse, afin qu’ils ne « diffusent plus la haine et les divisions, et qu’ils ne soient plus utilisés au profit d’intérêts communautaires et sectaires. »
Concluant son temps de parole par des mots d’espoir, le futur cardinal avait manifesté sa gratitude envers « tous ces musulmans venus en aide aux chrétiens réfugiés, comme aux sunnites ayant sauvé des chiites... Ils sont l’avenir du Moyen-Orient, et montrent que la paix est possible. »
Je me souviens qu’au Liban, le père maronite Fadi Daou et l’universitaire musulmane Nayla Tabbara, fondateurs, à Beyrouth de l’association Adyan (les religions), et promoteurs du concept « de la citoyenneté inclusive des religions » (1) s’étaient enthousiasmés en lisant l’intervention de sa béatitude. Sachant que je travaillais sur les mouvements citoyens arabes, le prêtre libanais, m’avait fait parvenir le texte en me recommandant sa lecture. Une « ligne citoyenne », que Mgr Sako maintient dans toutes ses apparitions publiques.
En 2016, dans un livre d’entretien, paru aux éditions Bayard, le chef de l’Eglise chaldéenne réitérait : « Le grand combat est celui de la citoyenneté commune. la mention de la religion doit être supprimée sur la carte d’identité, et il faut permettre les conversions, » répondait-il à la journaliste qui l’interviewait (2).
Aujourd’hui, malgré les promotions et les honneurs le nouveau cardinal persiste et signe : pour assurer la pleine citoyenneté et donner à chacun la liberté de conscience en Irak et dans la plupart des pays arabes, il faut, martèle-t-il, changer les constitutions et distinguer César de Dieu … Un gigantesque défi à relever, afin que les chrétiens orientaux puissent enfin partager avec les musulmans et toutes les autres communautés un message commun « d’ouverture et de respect.» (3)
Luc Balbont
(1) Lire chroniques du blog du 25/2/2015, du 1/6/2016 et du 2/8/2016
(2) « Ne nous oubliez pas » P.149. Entretiens avec la journaliste Laurence Desjoyaux – 153 p. – 16,90 euros – prix littéraire de l’œuvre d’Orient.
(3) ibid (P. 40)