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Lettre à un ami libanais
Beyrouth, Alger, Bagdad … une demande de citoyenneté
Quelques nouvelles de notre Liban, qui depuis le 17 octobre, vit une incroyable révolution. Dans les quartiers chrétiens de Beyrouth, mais aussi à Tripoli la sunnite ou à Nabatyeh la chiite, les gens expriment spontanément leurs malaises. Une libération collective de la parole qui gagne toutes les communautés. Tu me l’as dit maintes fois, la société civile, hantise des conservatismes et des nationalismes, progresse dans les pays arabes.
Dans un article à paraître dans le prochain bulletin de l’Œuvre d’Orient (*), l’archevêque melkite de Beyrouth, Georges Bacouni, à propos du mariage civil au Liban, relève que « si les prêtres et les évêques y étaient hostiles dans les années 90, en privé, plusieurs religieux y sont favorables aujourd’hui. » De son côté, la journaliste Suzanne Baaklini constate que « l’apparition des mouvements issus de la société civile sur la scène politique libanaise à partir de 2015, a contribué à renforcer la présence des femmes dans la vie publique du pays. »
Que veulent ces milliers de Libanais, chrétiens, musulmans, druzes, ou agnostiques, qui envahissent les rues des villes, du nord au sud du pays ? Tout simplement un Etat de droit, un Etat citoyen avec des services publics décents : eau, électricité, transports en commun, hôpitaux, routes en bon état, justice sociale, parité etc …. Que rejettent-ils ? Un pays dirigé depuis l’indépendance de 1943, de père en fils, par les mêmes familles, qui privilégient leurs intérêts au détriment de ceux de la nation. Une nation que des chefs de clan confessionnalisent pour mieux la soumettre. Les manifestants de ce mois d’octobre ne veulent plus vivre sous la coupe de ces petits dictateurs moyenâgeux et affairistes qui se partagent le pays, et poussent les jeunes talents, découragés par l’immobilisme de la situation, à porter leur savoir-faire ailleurs, enrichissant des pays étrangers, qui leur ouvrent les bras.
Les médias français que je capte chaque jour au Liban, ne semblent pas, hélas, prendre la mesure de l’évènement. Peu le développe dans leurs articles, chroniques, édito, reportages. Dans les radios, sur les chaînes de télé, le Liban est absent.
Peu également font le rapprochement entre ce qui se passe aujourd’hui au Pays du cèdre, et ces soulèvements populaires qui ont lieu à Alger depuis février, ou dans le sud de l’Irak depuis le début du mois d’octobre. Et pourtant, si l’on y ajoute la crise des gilets jaunes en France (novembre 2018) ou les manifestations sociales qui endeuillent le Chili depuis quelques semaines, n’y-aurait-il pas là –inconsciemment - les prémisses d’une révolution citoyenne mondiale contre les abus d’un libéralisme sauvage, lui aussi mondialisé, et indifférent aux difficultés quotidiennes et aux souffrances de ceux que les décideurs appellent « gens d’en bas »
Luc Balbont
(*) A paraître en janvier 2020