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L’arme de la culture pour combattre la barbarie
Maya Nakhel, professeur de Français à l’Institut du Père Michel Khalifé à Edde (nord Liban), reflète bien le changement d’état d’esprit, qui grandit depuis quelques temps dans les pays de l’Orient arabe, en dépit des conflits et des drames qui y éclatent.
Née au Liban en 1976, la jeune femme a vécu ses quatorze premières années de vie dans la fureur de la guerre civile. Une enfance qui en a fait une combattante. Une femme déterminée qui se dresse aujourd’hui contre d’autres destructions, celles qui pourrissent les paysages, enlaidissent les villes et broient les âmes. Avec d’autres, elle refuse d’être l’otage d’entrepreneurs voyous qui profitent du vide étatique pour défigurer le pays, en y construisant de manière anarchique, sans tenir compte de la sensibilité des hommes. Le Liban perd ses richesses naturelles, ses forêts, l’architecture de ses villages. Beyrouth est devenue une horreur urbaine, vidée de son caractère oriental et de sa population plurielle, qui en faisait le phare culturel de la région. Le littoral libanais, peu à peu bétonné, est envahi par des complexes touristiques hideux, et nul doute que la montagne, qui reste encore si belle, ne subisse le même sort, si la mobilisation ne se fait pas jour.
[caption id="attachment_819" align="alignleft" width="480"] Maya Nakhel durant l'interview.[/caption]
Pour combattre la barbarie et s’opposer aux effets pervers d’une urbanisation féroce imposée par les lobbies financiers, Maya Nakhel a choisi la culture et le savoir. Tout en charme et en finesse, elle mobilise des dizaines de jeunes, et avec eux, s’attèle à redonner vie à des paysages enlaidis par l’avidité des hommes.
Ses actions ? Une barre de béton morbide qu’elle transforme, en quelques semaines avec une équipe d’adolescents en un tableau éclatant de couleurs et de mouvements, un conteneur de déchets que ses équipes remodèlent pour l’harmoniser avec le paysage. Des arbres plantés par des entrepreneurs routiers, convertis par son message éco-citoyen. L’environnement est un facteur de paix et d’épanouissement. C’est le crédo de la jeune femme.
[caption id="attachment_820" align="alignleft" width="1280"] Conteneur adapté au paysage environnant.[/caption]
Ses initiatives vont bien au-delà de la performance artistique, ou de l’effet « happening », dont la presse raffole. Car Maya, qui a repris des études pour soutenir un master en médiation culturelle à l’Université libanaise, entend non seulement sensibiliser les jeunes à la préservation de leur environnement, mais s’évertue par une prise de conscience collective, à leur inculquer le sens du bien commun, en les faisant agir ensemble, au-delà des classes et des confessions. Et, quand après ses heures de cours à l’Institut du Père Michel Khalifé, il lui arrive de s’occuper d’enfants réfugiés syriens, elle met un point d’honneur à leur insuffler des valeurs citoyennes : « Comme aux autres, dit-elle, il faut les aider à comprendre qu’ils peuvent aussi faire bouger les choses autour d’eux, en prenant les bonnes initiatives… Eux qui ne font que subir et n’ont aucune idée de leurs droits les plus élémentaires. »
[caption id="attachment_821" align="alignleft" width="1280"] Agir ensemble autour de projets communs.[/caption]
Utopie ? Pari perdu d’avance ? Pas forcément, à voir le nombre grandissant de participants, d’établissements scolaires, d’associations, et petites entreprises qui la soutiennent. Elle croit au contact direct, aux vertus du terrain. « C’est en descendant dans la rue qu’on défend les causes justes », affirme-t-elle en vous regardant dans les yeux … Elle a tout résumé.
[caption id="attachment_822" align="alignleft" width="1280"] Donner le sens des responsabilités citoyennes.[/caption]
Luc Balbont