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A 12 ans, Samir n’a connu que la guerre

Pour la présente chronique, j’avais projeté d’écrire sur l’Ukraine, où l’armée russe poursuit son offensive depuis le 24 février dernier. J’ai finalement opté pour une autre guerre, celle de Syrie dont on ne parle presque plus, et des souffrances  d’un petit garçon de 12 ans, venu avec sa famille  se réfugier au Liban en 2019.    

 Samir (le prénom a été changé  et le nom n’apparaît pas)  n’a jamais connu la paix. En 2011, il n’a pas un an, lorsque la guerre éclate  en Syrie. Dans son  quartier est d’Alep, où s’implantent  des rebelles et des djihadistes, les premières bombes tombent dès 2012. Et lorsque le pouvoir reprend entièrement le contrôle de la ville en 2016, Alep est en ruine. Les conditions de vie sont inhumaines. La famille a recours à l’aide alimentaire, qui  n’arrive qu’au compte-gouttes, à cause des sanctions occidentales contre le régime syrien. 90% des Aleppins vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Chômage, insécurité, pauvreté… en 2019, la famille décide d’émigrer au Liban. Le père, la mère et leurs quatre enfants s’installent dans la ceinture de pauvreté de Beyrouth, hébergé par des cousins. Deux couples et huit enfants logeant dans un garage, loué par un propriétaire libanais avide et peu scrupuleux. Madiane le père, ouvrier maçon, espère trouver du travail. Samir a 9 ans. Il est le second enfant du couple. En quittant Alep, il perd tous ses repères : sa maison, ses amis, son école. L’école ! Il n’y retournera jamais plus, d’autant que son père, malade, ne peut plus travailler. Samir doit aider les siens. Chaque matin, il va dans la rue, exposé à la perversion des adultes (violences, exploitations, agression sexuelles), récupérer dans les poubelles les morceaux de plastic, de ferrailles et d’aluminium pour les revendre à un grossiste. Désocialisé, déscolarisé, instable, Samir se renferme et devient agressif.

En septembre 2020, désespérée,  sa mère frappe à la porte de Beit el-Nour (le Foyer de la lumière *), une association cofondée en 1986 à Beyrouth, qui s’occupe des enfants des rues, cas sociaux et réfugiés syriens mineurs, dont le nombre a explosé depuis le début de la guerre en 2011 en Syrie.

En accord avec la famille et l’assistante sociale de l’association il est décidé que Samir viendrait 3 matinées par semaine au Centre, suivre des cours scolaires de rattrapage, et à des sessions de soutien psycho-social. 

Peu à peu, l’enfant reprend pied. Après un an et demi de travail, Samir commence à lire et à écrire. Aujourd’hui, il envisage même de continuer ses études pour bâtir un meilleur avenir.

Samir s’en sortira peut-être, mais tant d’autres enfants comme lui resteront sur le carreau.

Luc Balbont

(*) Fondée en 1986, par le frère Nour moine grec-catholique, Robert Caracache, avec l’appui de l’archevêché melkite de Beyrouth, Beit el-Nour (Foyer de la lumière), soutenue par l’Œuvre d’Orient, s’occupe aujourd’hui de plus de 600 enfants en dérive, chrétiens comme musulmans.

Samir est présent dans ces photos transmises par l’association Beit el-Nour. Par souci de confidentialité, nous ne précisons pas où.

Par ailleurs, on trouvera un portrait de Robert Caracache dans le numéro 807 du bulletin de l’Œuvre d’Orient, à paraître prochainement.