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C’était il y a dix ans …  Zydan, le Yazidi se souvient

C’était en 1996, et Zydan, 21ans, venait de débarquer à Vitré en Ille-et-Vilaine. Un long périple de deux ans, qu’il l’avait mené du Sinjar irakien à la Bretagne. Rescapé de l’enfer, tout de noir vêtu, Il ne parlait pas français. Depuis notre première rencontre, nous n’avons jamais perdu le contact. (*1)

Zydan à son arrivée à Vitré en 1996

 Aujourd’hui, dix ans, jour pour jour, après le génocide daéchiste contre sa communauté yazidie (lire l’encadré ci-dessous), Zydan, aidé par l’association bretonne « APUI » (Aimer, Partager, Unir les initiatives) raconte son histoire qui l’a mené jusqu’en Bretagne, pour fuir les massacres de l’État islamique.

« Nous sommes partis le 3 août 2014 de Hatin, une  ville de 15000 habitants, située dans le districtde Sinjar, au nord-ouest de l’Irak. Tous entassés dans une voiture : Khalaf mon père, Ghazal ma mère, mes frères et mes sœurs, avec Daech aux trousses. Farhd et Morshin mes jeunes frères avaient alors 1 et 2 ans et ma sœur, Samar 4 ans.

Jusqu’en 2015, nous avons logé dans un abri de fortune dans le camp de réfugiés de Daoudia, à Duhok, sous contrôle kurde, entassés les uns contre les autres.

 Fin 2015 nous avons eu la chance, mon frère et moi, d’obtenir un visa pour la France. Accueillis d’abord à Forbach en Lorraine, en 2016, nous nous sommes installés à Vitré, aidé par l’association APUI.

Mon père était resté à Duhok. Malade, il est mort, alors que nous étions déjà en Bretagne. Je ne l’ai jamais revu. Ma mère, et le reste de la famille, nous ont rejoints en 2018.

Aujourd’hui, j’ai 29 ans. Je travaille à Vitré, dans une entreprise spécialisée dans les desserts glacés, et Zyad, mon frère, à l’Intermarché de la ville.

C’est la première fois de ma vie que je vis dans un environnement de paix. Heureux, sans crainte d’être capturé ou de me faire tuer par l’État islamique.

Je ne retournerai pas vivre dans mon village. Notre maison a été rasée par Daech, et à Hatin, il n’y a pas de travail pour les jeunes. La seule chose qui me manque ce sont les fêtes vécues en famille autour de mon père, les mariages, les naissances.

Mes jeunes frères et sœurs sont aujourd’hui scolarisés dans un collège de la ville.

Nous sommes partis très vite. Je n’ai aucune photo. J’évite la nostalgie. En ce qui concerne ma religion, pas de temple à Vitré, « le dieu des yazidis » est d’abord dans ma tête. Quant à mon rêve le plus cher, c’est d’abord d’obtenir la nationalité française, et de construire ma vie ici. »

Zydan à Vitré en 2024

Propos recueillis par Luc Balbont

Photo de couverture : Zydan et son frère Zyad en 1996

Photo 1 : Zydan à son arrivée à Vitré en 1996

Photo 2 : Zydan à Vitré en 2024

QUI SONT LES YAZIDIS ?

A la fois peuple et religion, les Yazidis, kurdophones et monothéistes, font remonter leur calendrier à plus de 6700 ans.

 Avant le génocide de l’été 2014, la communauté comptait entre 500.000 et 600.000 membres, vivant en Irak dans les montagnes du Sinjar, au nord-ouest du pays. Considérés comme idolâtres et adorateurs du diable par l’Etat islamique, plus de 10.000 yazidis ont été exécutés par Daech, entre août 2014 et la libération du Sinjar en novembre 2015. Plus selon d’autres sources.

L.B.

.  (*1) Lire les portraits de Zidane et Zyad sur https://blog.balbont.oeuvre-orient.fr/ du 24 février 2017