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Dire la diversité du monde arabe et défendre cette richesse
15 raisons d’écrire un blog
40 ans de journalisme dans le monde arabe m’ont amené à vivre des évènements dont je n’ai malheureusement pas toujours pu parler dans mes articles, ou, du moins, pas comme je l'aurai toujours voulu …Ayant retrouvé une autonomie appréciable, j’aimerais faire entendre, aujourd’hui, les voix de ces hommes et de ces femmes que je côtoie dans ces pays, où je me suis installé. Écrire pour partager avec des lecteurs, les émotions que j’éprouve en écoutant ceux, que je croise chaque jour, me confier leurs joies, leurs drames, leurs rêves; et sortir de ces idées toutes faites qu’on a en Occident d’un Proche-Orient, dont on ne mesure pas toujours consciemment la vitesse à laquelle il évolue.
Dire aussi que ce monde n’est pas seulement musulman, et que son islam, même majoritaire, ne se réduit pas à la violence de ses groupes armés. L’extrémisme de ces dernières années a engendré une résistance islamo-chrétienne citoyenne, dont on parle trop peu.
Montrer qu’à Beyrouth, à Bagdad, au Caire, à Damas, des jeunes chrétiens et musulmans manifestent ensemble, pour réclamer plus de justice sociale et de démocratie, dénonçant de concert la violence jihadiste mais également la corruption, le confessionnalisme. et le tribalisme mafieux.
Dire qu’à Batroun, la ville du nord Liban où j’habite, la mosquée fait toujours face à l’église, et qu’il y fait bon vivre.
Présenter le travail de Maha, irakienne musulmane, qui écrit une thèse sur l’importance des écoles chrétiennes en Irak.
Encourager les Occidentaux à découvrir l’œuvre du Père Grégoire Haddad, évêque “laic et rebelle” (*1). Décédé en décembre 2015, à l’âge de 91 ans, l’ex évêque grec-catholique de Beyrouth fut le précurseur d’un authentique mouvement civil et démocratique au Liban…Aujourd’hui, beaucoup de ses fidèles reprennent le flambeau.
Faire entendre la voix de Mohammad Sammak, universitaire sunnite libanais, affirmer “qu’il a besoin des chrétiens pour vivre son arabité.” …. Ou celle du Père maronite Fadi Daou confier “qu’il préfère travailler avec un athée qui admet la diversité, plutôt qu’avec un croyant qui la refuse.”
Parler du vieux Khalil, musulman sunnite qui prie aussi bien à l’Eglise Saint Etienne des maronites qu’à la mosquée de sa ville.
Décrire la joie de ces enfants syriens réfugiés au Liban voisin, tous musulmans, qui se reprennent a faire des projets d’avenir, grâce à une association chrétienne qui leur a ouvert une école.
Rapporter les mots de Mgr Casmoussa, l’évêque émérite de Mossoul (Irak), expliquer qu’il “ se sent plus proche d’un musulman irakien que d’un chrétien d’Occident.”
Raconter le Bonheur de Nisrine et de Youssef, un couple islamo-chrétien, qui a osé défier les traditions et les tabous de la société arabe pour se marier.
Affirmer que le combat contre le jihadisme est aussi mené par de nombreux musulmans anonymes, poussés par un fort désir de démocratie.
Expliquer que si l’émigration chrétienne est un malheur pour le christianisme, elle l’est tout autant pour cette diversité qui constitue la richesse du Proche-Orient.
Écouter Wahddah Charara, sociologue chiite libanais, avouer que “la faiblesse et la non violence, incarnées par le Christianisme, sauveront notre monde.”
Répéter les mots de l’imam chiite irakien Iyad Jalal Din: “Que l’Etat protége les mosquée, les églises et les bistrots,” lieux de rencontres et d’échanges, où l’on apprend a se connaître.
Défendre le blogueur Raef Badaoui, condamné par le régime saoudien à dix ans de prison et à mille coups de fouet pour avoir revendiqué des droits citoyens et critiqué les incohérences d’un régime islamique conservateur ... Et défendre de même tous ceux qui, dans le monde arabe, ménent le même combat que Badaoui, pour le respect des libertés individuelles.
Marteler enfin que la jeunesse des révolutions de 2011 n’a pas perdu la partie. Que ces “Printemps” n’en sont qu’à leurs débuts, et que ce monde arabe, quoiqu’en pensent certains, n’a pas besoin de dictateurs pour le gouverner. Un mouvement démocratique est en marche. Les populations de ces pays n’ont plus peur de descendre dans la rue, pour exprimer leurs frustrations et leurs désirs. Des associations citoyennes naissent. Religieuses ou laïques, les dictatures s’accrochent, mais une brèche s’est ouverte. Et même si le chemin paraît long et, parfois même incertain, les jeunes générations ne reviendront pas en arrière.
Ce blog pour dire enfin, sans naïveté ni optimisme béat, mes espoirs pour ces sociétés arabes, porteuses d’un humanisme méditerranéen, d’une spiritualité apaisante, et d’une formidable pulsion de vie, malgré les guerres et les extrémismes qui les minent aujourd’hui.
L.B
{*1) "Evêque laïc, évêque rebelle", titre de la biographie que le journaliste libanais Michel Touma a consacré au P. Haddad (Éditions de l’Orient-le-Jour)