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A kfifane, au nord Liban, 200 enfants syriens croient de nouveau à l’avenir

Les crimes de l’État islamique en Syrie qui envahissent les pages de nos journaux et inondent nos ondes et nos écrans occultent l’essentiel :

  • Comment le pays se reconstruira quand la paix sera revenue ?
  • Et surtout avec qui, puisque depuis le début de la guerre civile en 2011, la Syrie se vide de ses forces vives, notamment de ses élites et ses jeunes ?

Deux questions qui hantent Melhem Khalaf, directeur d’Offre Joie, une association qu’il a fondée en 1985 à Beyrouth.

Comme dans les années 1990, où dans un Liban à feu et à sang, il s’entêtait à fédérer autour de chantiers de rénovation des jeunes chrétiens et musulmans pour les préparer à la paix, Melhem Khalaf perçoit dès le début de la révolte syrienne, que l’avenir du pays passerait par des citoyens formés et éduqués.

Si la barbarie produit l’horreur, elle n’a jamais le dernier mot. Melhem en est convaincu. “L’Évangile ne cesse de le répéter, argumente-t-il. Comme au Liban, la guerre aura une fin chez nos voisins. C’est maintenant qu’il faut préparer le futur, en sortant les jeunes générations de la spirale de la violence avec l'arme de l'éducation " ....

C’est pour cette raison qu’Offre Joie, dès 2012, a transformé son centre d’accueil de Kfifane, dans le Liban nord, en école, où chaque jour, de 8 heures à 13 heures, près de 200 enfants syriens sont accueillis pour reprendre une scolarité, que certains jeunes avaient abandonnée depuis des mois. Si les élèves, âgés de 6 à 15 ans, sont tous musulmans, les seize professeurs sont chrétiens, tout comme l’équipe dirigeante : Amal l’intendante, Joseph le directeur du Centre et Romy Dargham, la directrice pédagogique.

[caption id="attachment_395" align="alignleft" width="150"] La classe des grands[/caption]

Nous commençons les cours à 8 heures, explique cette dernière, mais un quart d’heure avant, les professeurs rassemblent les élèves par petits groupes, pour entamer avec eux des discussions sur des sujets divers : culture, sport, voyage, littérature.”

Un prélude destiné à les sortir de leur environnement, où ils entendent trop souvent parler de la guerre, de la violence, de la mort de leurs proches.

Les enfants habitent dans une vingtaine de villages de la région. “Leurs parents louent une pièce dans une maison occupée déjà par des particuliers. Ils héritent le plus souvent d’un débarras, un cellier, une cave ou un garage, poursuit Romy. Quand ils n’ont pas les moyens d’assurer le prix d’un loyer mensuel, ils sont employés par le propriétaire à des travaux domestiques.”

Louise, 22 ans, une coopérante française, étudiante en relations internationales, qui connait certaines familles raconte : “ Ils s’entassent, parfois à 15 personnes dans quelques mètres carrés, autour d’un poêle à bois, et vivent là dans des conditions précaires ”. C’est dire si l’école constitue pour ces gamins une libération vitale.

Dans les huit classes, répartis par niveau de compétence et d’âge, les élèves reçoivent des cours de langue arabe, de français, d’anglais et de mathématiques. A ce programme s’ajoutent des leçons de sciences de la vie, d’hygiène, de civisme, d’éducation à la paix, de droits de l’enfant, d’arts plastique, de théâtre et de sports. “Certaines familles ne voulaient plus envoyer leurs enfants parce que les cours étaient mixtes. On a insisté. Au final les parents ont fini par accepter ” raconte Romy. Une vraie victoire sociale. “Les progrès sont fulgurants. Les comportements des enfants changent de mois en mois,” s’étonne la directrice pédagogique.

[caption id="attachment_396" align="alignright" width="150"] Avec les petits[/caption]

Dans les classes, on sent les enfants heureux, joyeux mais concentrés et appliqués. A Kfifane, ils oublient les horreurs vécues, l’exil, retrouvent l’enfance perdue, se prennent à rêver d’avenir, élaborent des projets.

Rouah, 14 ans, minois adorable et sourire enjôleur, la tête recouverte d’un voile immaculé veut devenir médecin. Ahmad, 15 ans, raconte qu’au Liban il avait commencé à travailler dans un garage, mais dès qu’il a su que l’école était ouverte, il a tanné ses parents pour y venir. “C’est avec le savoir que l’on reconstruira la Syrie, dit-il après avoir levé la main pour demander la parole. Je veux devenir avocat pour défendre la cause des hommes justes.”

Revenir en Syrie, c’est le désir pressant de Fatmé qui veut vite retrouver son pays natal “pour y ouvrir une école.”

Les cours sont entièrement gratuits, les professeurs payés sur le budget d’Offre Joie.

Des enseignants compétents et motivés, entourant les enfants de patience et de tendresse. Wadad qui enseigne dans la classe de niveau supérieur s’ébahit de la volonté de ses élèves. “Ils ont une soif d’apprendre, un désir fort de réussir.”

[caption id="attachment_397" align="alignleft" width="150"] Le Bonheur d'avoir le Père Noel[/caption]

Marquée par les épreuves , la grande majorité de ces enfants accuse un retard scolaire par rapport aux libanais du même âge. Cela pose un problème dans les écoles publiques (*), où se retrouvant dans des classes inférieures, ils ressentent un complexe d’étudier à côté d’élèves plus jeunes. “Notre but est de les préparer à acquérir un niveau suffisant, pour les intégrer au système scolaire libanais dans les meilleures conditions ”, confie Romy Dargham.

Le Bonheur des enfants fait aussi celui des parents, des mamans notamment. Par roulement , elles viennent chaque jour à l’école faire bénévolement le ménage, aider à la cuisine. “ Une manière de nous remercier, mais aussi un moyen pour elles de s’échapper de leur quotidien, confie Romy, l’occasion de rencontrer d’autres femmes et de pouvoir parler librement de leurs problèmes, sans la présence de leurs hommes.”

[caption id="attachment_398" align="alignright" width="150"] Le sommeil paisible du bébé syrien[/caption]

Devant la porte du réfectoire, un nourrisson dort à poings fermés. Sa mère prépare les goûters pour la récréation de 11 heures. Sur le banc, enveloppé dans son bournou de laine, son bébé sommeille paisiblement … L’image de la Syrie de demain, sereine et en paix ….

Luc Balbont

(*) Les enfants réfugiés syriens peuvent être scolarisés dans les écoles publiques libanaises. Ce qui n’était pas le cas avant. Seule condition : que leur nombre ne dépasse pas 50% de l’effectif de l’établissement. Certaines écoles libanaises accueillent aussi des enfants syriens à des heures précises, en les séparant des écoliers Libanais.


L’évêque des pauvres au paradis.

Évêque grec-catholique de Beyrouth et de Jbeil entre 1968 et 1975, Grégoire Haddad s’est éteint dans la nuit du 23 au 24 décembre, à Beyrouth. Avec lui, disparaît l’une grandes figures du christianisme et de l’humanisme universel. Nous reviendrons sur la personnalité de celui que l’on appelait l’évêque des pauvres. En attendant les lecteurs trouveront le portrait que j’en avais tracé dans ce blog, en date du 30 août 2014, titré :Grégoire Haddad, un hérétique qui se sent proche de Dieu
Mgr Haddad avait 91 ans. L.B