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Des religieux chiites irakiens à Pax Christi

De retour d’une tournée de conférences et de rencontres en Norvège, Suède, Allemagne, une petite délégation de chiites de la ville Sainte de Najaf, au sud de l’Irak,  a terminé son périple européen en France. Un universitaire et trois religieux de la famille al Hakim dont Ryad, fils du grand Ayatollah Sayyid Muhammad al Hakim, l’une des quatre autorités religieuses suprêmes  (Marjah) du pays,  ont rencontré diverses personnalités et hommes politiques européens pour les informer sur la situation irakienne. Et les mettre en garde contre le double discours des gouvernements sunnites du Golfe, qui continuent, selon eux, par des financements occultes notamment, à soutenir les djihadistes de l’État islamique. Pilotés en France par les journalistes Sophie Lemaire et Morgan Railane, fondateurs de la coopérative CAPresse, basée à Calais, la délégation a été reçue par Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes et président du mouvement Pax Christi France.  Durant toute une matinée les Sayyids Ryad et Saleh al Hakim ont présenté devant le président de Pax Christi et des membres du réseau « Chrétiens de la Méditerranée », leur centre de la sagesse pour le dialogue et la coopération qu’il dirige à Najaf : « Nous ne voulons pas instaurer de gouvernement religieux en Irak, la religion doit rester en dehors du pouvoir temporel, nous voulons seulement que les politiques respectent les croyants, » a répété Cheikh Saleh al-Hakim, neveu du grand Ayatollah, démontrant ainsi que le chiites n’étaient pas tous partisans de la théorie de la prédominance du religieux sur le civil, le Velayat al Faquih, base de la Constitution iranienne, et que plusieurs écoles existait dans leur communauté. La délégation chiite a également unanimement insisté sur « le renforcement de coopération islamo-chrétienne dans le secteur de l’éducation religieuse, véritable antidote, face à la barbarie djihadiste. »  Sayyid Saleh al Hakim  a prié Mgr Marc Stenger d’organiser une rencontre au Vatican avec le pape François, afin de renforcer le lien entre Najaf et Rome, les deux villes symboles des deux confessions. A l’issue de la rencontre l’ébauche d’un travail commun autour de la citoyenneté a été programmée. On a promis de se revoir.

[caption id="attachment_294" align="alignright" width="300"] Délégation chiite de Najaf, dont Ryad al Hakim au centre[/caption]

En Occident et en Orient, les mots n’ont pas la même signification. Laïcité équivaut  ainsi pour les chiites religieux à un athéisme hostile aux religions. Un rappel de l’histoire douloureuse  que les chiites irakiens ont  vécu sous la coupe du pouvoir baasiste, entre 1979 et 2003, où le régime « laïc » de Saddam Hussein, persécuta  la communauté. La vision des chiites sur les sunnites est également emprunte de méfiance irréversible, résultat des évènements récents, où la minorité chiite est frappée de plein fouet par des attentats, meurtres et  exécutions sommaires, dans les pays sunnites, en proie à un islamisme radical grandissant. Des constats qui montrent que, dans la région, la paix n’est pas pour demain et qu’il reste un travail énorme d’éducation et de pédagogie à faire pour réconcilier les communautés. Il n’empêche que de telles  démarches et rencontres sont autant de pas nécessaires pour préparer la renaissance de l’Irak et du Proche-Orient. Morgan Railane qui se rend régulièrement en Irak, témoigne du travail concret réalisé sur le terrain par le « Centre de la sagesse du dialogue et de la collaboration ». « Grâce à ces religieux chiites, 80 000 réfugiés de toutes confessions, chiites mais aussi chrétiens, Yézidis, Shabaks et même sunnites sont accueillis, hébergés, nourris, soignés, et scolarisés pour les plus jeunes à Najaf, dans cet Irak pourtant en guerre », explique  Morgan Railane (*), qui conclut «  A Calais, où nous habitons, le gouvernement français, se dit dépassé par la présence de 2000 immigrés. » …

Luc Balbont

(*) Egalement fondateur du Centre Euro-irakien avec l’universitaire irakien Mohammed  al Karaïshi