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Monde arabe : la citoyenneté en panne
Rencontre avec le Père Georges Massouh.
En juin 1997, lors de notre première rencontre (*1) à Beyrouth, le P. Georges Massouh, Grec-Orthodoxe libanais, venait de soutenir sa thèse. Un remarquable travail, où à partir de discours, de prêches et d’interviews de quatre chefs religieux musulmans (*2), il démontrait l’incompatibilité entre l’islam et la citoyenneté : « pour ces responsables, résumait-il alors, tout était contenu et dit dans le Coran : les lois, le mode de vie et les rapports entre les personnes. »
[caption id="attachment_793" align="alignleft" width="640"] Le P. Georges Massouh.[/caption]
Vingt ans plus tard Georges Massouh reste perplexe. Non seulement la citoyenneté reste en panne, mais la situation a empiré. L’espoir suscité par les révolutions arabes a tourné court : « Elles n’ont fait que renforcer le diktat du religieux sur le civil », déplore-t-il. « Au Liban, les jeunes mouvements laïcs, né au lendemain du Printemps de mars 2005, ont du mal à se faire entendre. » Même si le bon score de la liste « Beyrouth-citoyens » (Beyrouth Madani), composée de personnalités civiles issues de toutes les confessions et religions, aux élections municipales de mai 2016, lui ont remonté le moral. Georges Massouh persiste. « Les sociétés arabes sont minées par les conflits religieux et ethniques, regrette-t-il. La guerre chiite-sunnite qui fait rage actuellement en est l’exemple. »
Et pourtant, à l’université orthodoxe de Balamand, près de Tripoli, au nord Liban, dans le tout nouveau « Centre Nahyan (*3) pour les études arabes et le dialogue entre les cultures », financé par les Emirats, le P. Georges, âgé aujourd’hui de 54 ans, a accepté de coordonner les activités islamo-chrétiennes. Il y mettra toute son énergie et son expérience de directeur académique du master islamo-chrétien, afin de faire de l’ensemble un vrai lieu de réflexions et d’études, veillant à ce que l’outil ne se transforme pas en forum de propagande politique, destiné à redorer l’image des Emirats. « L’Iran, l’Arabie saoudite avait ouvert eux aussi des centres de rencontres entre les cultures et les civilisations. Il ne faut pas que cela devienne une mode. Le contenu doit rester académique. »
[caption id="attachment_794" align="alignleft" width="640"] Les bâtiments du nouveau Centre à l'université orthodoxe de Balamand[/caption]
Adoubé par le Patriarcat grec-orthodoxe d’Antioche et sa Béatitude Jean X Yazigi, le bâtiment, flambant neuf, ouvrira ses portes probablement dans le courant du premier semestre 2017. Doté d’une superbe salle de conférences donnant sur la mer, de classes luxueuses, le Centre est déjà assuré d’un encadrement de dix professeurs. « On n’y organisera des séminaires, des colloques, des conférences », confie le P Massouh, qui aimerait que tous les débats futurs soient recentrés sur des sujets concrets, touchant à la vie des gens et au vivre ensemble. « Evitons, dit-il, ces discussions fades maintes fois ressassées, qui ne conduisent nulle part. C’est en posant les questions dérangeantes, que nous avancerons. »
[caption id="attachment_795" align="alignleft" width="640"] Le P. Georges Massouh devant le centre " Nahyan pour les études arabes et le dialogue entre les cultures ”[/caption]
Si le P. Massouh ne croit pas au dialogue interreligieux, il croit, en revanche, à l’enseignement qui transforme les mentalités, éradique les préjugés et renforce les rapports humains. Sa foi immense lui donne aussi « l’assurance, que Dieu ne peut pas tourner le dos à l’homme, qu’Il a créé à son image. »
L.B
(*1) La Croix du 17 juin 1997.
(*2) Trois chiites, Cheikh Chamsedine (mort en 2001 à l’âge de 66 ans), président à l’époque du Conseil supérieur chiite ; Cheikh Fadlallah (1935-2010) autorité et référence (marjah) du chiisme mondial ; Cheikh Moussa Sadr (1928-1978) fondateur, entre autres, du mouvement chiite Amal ; et un Sunnite Cheikh Hassan khaled (921-1989), ancien mufti de la République libanaise.
(*3) Nahyan, nom de la famille fondatrice, qui règne aux Emirats Arabes Unis.